Mammuth : un film gros comme ça

12 juin 2010

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Gérard Depardieu et Miss Ming © DR

Une mélodie en sous-sol. Couleurs charbonneuses, profils et trognes généreuses d’amour tendre. L’histoire tient d’un fil, mais quel fil, surréaliste et quotidien, minable et de hauts sentiments. Mammuth, on y croirait pas à dérouler le casting : réalisateurs, distribution, rien ne se prête à notre curiosité, on aura pu passer à côté. Pourtant, le film de Benoît Delépine et Gustave Kervern a vraiment de la grâce, celle des éclopés célestes, celle des désirs assouvis sans se poser de questions, celle d’une humanité encore possible. Et Depardieu, énorme, au mieux de son instinct, féroce comme un sanglier, le coeur noble, pareil à celui d’un cerf. Près de lui, gros mammouth, la tendresse à fleur de peau, Yolande Moreau, égale à elle-même mais sourire, Adjani en fleur vénéneuse, Anna Mouglalis boulevardière, et l’ahurissante Miss Ming, prix de la découverte de ce film heureux.

Mammuth, un film de Benoît Delépine et Gustave Kervern, avec Gérard Depardieu, Yolande Moreau, Isabelle Adjani et Anna Mouglalis (1h32).

Bernard-Marie Koltès livré aux chiens

11 juin 2010

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Bernard-Marie Koltès © Louis Monnier

Il est bien difficile d’aimer le « Combat de nègre et de chiens » de Michel Thalheimer, quand c’est l’Afrique de Koltès qui vous accroche au coeur. Le metteur en scène allemand, adulé par les médias et groupies de l’ennuyeux Stéphane Braunschweig, en a gommé toute la substance pour transformer la pièce en puissant livret d’opéra germanique. On croirait Bayreuth, on est à la Colline, tentant de résister à l’assoupissement face à des comédiens hystériques, un chœur noir – drôle d’idée qu’il faille 10 comédiens noirs pour seconder la résistance brûlante d’un Alboury, alors que les autres personnages, dirigés à la caricature, s’en sortent seuls –. Dans un décor imposant, digne d’un vaisseau fantôme wagnerien, les comédiens crient, se masturbent, jouent prétentieux, oublient la volupté de la nuit africaine, creuset de l’inspiration de Koltès. On quitte le plateau, déçu de si peu de subtilité.

Combat de nègre et de chiens, ms Michel Thalheimer, Théâtre de la Colline, du 26 mai au 25 juin 2010.

Jérôme Bel : et le beau diable en rit encore…

11 juin 2010

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© DR

La pièce, de danse, avait fait scandale à sa création en 1991. Près de 10 ans plus tard, à voir et entendre le charivari dans la salle du Théâtre de la Ville, dont on sait pourtant la résistance du public, bien que fort conventionnel et grégaire, à toute sorte de tentative d’épuisement du spectateur parisien, on se dit que Jérôme Bel doit encore en rire et être heureux que son « bon coup » fonctionne encore à merveille. Des cris, des hurlements, des apostrophes populistes, des « remboursez » et des « ta gueule » en réponse, sans oublier la rituelle « prise d’otage » des belles âmes de la culture élitiste pour tous. Contre quoi ? Une adorable dance party, où un DJ d’un certain poids s’emploie à faire tourner toute sorte de rengaines pop qui électrisent ou consternent l’assistance. Sur scène, on y chante, on y danse. Non sans une certaine rigueur, Ballet de l’Opéra de Lyon oblige. On reconnaît le délicieux Cédric Andrieux, échappé lui aussi de son très beau solo de l’automne. De la non-danse, on vous dit, alors il ne fallait pas s’attendre à autre chose de cela. Des manières de voyou, dominées par une exquise conscience de sa race. N’est pas Jérôme Bel qui veut.

The show must go on, ms Jérôme Bel avec le Ballet de l’Opéra de Lyon.

Les larmes amères de la famille Jordan

11 juin 2010

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Life during wartime © DR

Un film atmosphérique, qui, à la manière de rien, vous fiche une sacrée trempe. Quelques mois et autant de jours au sein de la famille Jordan, à ne plus pouvoir supporter les familles. Un ballet de méduses, des névroses transportées par camion-benne, sans discernement de père, de mère, de soeur et futur ex beau-père. On s’y aime comme on peut, donc on ne s’y aime pas beaucoup et on se cantonne d’à peu-près, comme un cinglant viatique. Comme un renoncement furieusement psy à tout american way of love…

Life during wartime, un film de Todd Solondz (1h30). Prix du scénario, Mostra de Venise 2009.

Affaire David Laws : the man I love…

4 juin 2010

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David Laws © Stefan Rousseau / AP

Des photographies cruelles dans la presse anglo-saxonne qui, en quelques heures, font le tour du monde. David Laws dans la cage aux folles. Nommé au Trésor, dans le nouveau cabinet Cameron – Clegg, il n’aura fait qu’un tour de piste. Une courte de semaine à « dégraisser le mammouth », avant de tomber par ses propres contradictions. A Londres, on ne tolère de pareils scandales sans être prié de démissionner. Il s’est exécuté, puis s’est expliqué. Il aime un homme. James Lundie. Son visage apparaîtra, lui aussi. Il a couvert par ses notes de frais une vie sans coming out possible. Désespérant.

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David Laws and James Lundie © Julian Simmonds / Getty

Le fil : la Tunisie sans alibi

31 mai 2010

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© Pyramide Distribution

C’est un vilain petit film, maladroit, qu’on voudrait aimer, tant il est volontaire et généreux, mais qui quitte la route au bout de quelques images. L’affiche semblait prometteuse : le retour de la Cardinale, la Tunisie, les garçons. Et, au final, une comédie du retour au pays natal, avec hystérie de mère et copines idoines, angoisses de garçon bien nourri, Tadzio méditerranéen de second zone, sueur et petit marcel pour faire monter le thermomètre…

Le fil, un film de Medhi Ben Attia, avec Claude Cardinale, Antonin Stahly-Vishwanadan et Salim Kechiouche (1h33)

Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux…

30 mai 2010

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La confidence aux oiseaux © Théâtre Chaillot

On s’en faisait une chose de découvrir, enfin, le spectacle animalier de Luc Petton. Las, un trop grande espérance et autant d’ennui à la sortie. La volière fait des miracles, mais les danseurs, porte-oiseaux, d’un terne, s’adonne à une mélancolie zen qui ne convainc pas. Sans doute sommes-nous passés à côté de cette exquise beauté glacée…

La confidence aux oiseaux, un spectacle de Luc Petton, Théâtre Chaillot, jusqu’au 30 mai.

Petits soleils de printemps à la Colline

30 mai 2010

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© Elisabeth Carecchio / Colline

L’éveil du printemps, d’après Frank Wedekind, mise en scène par Guillaume Vincent, avec Emilie Incerti Formentini, Matthieu Sampeur, Nicolas Maury, Théâtre de la Colline, jusqu’au 16 avril 2010.

Jeff Wall : vue sur une Amérique en déclin

4 avril 2010

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Perquisition / Search of premises (2008) © Jeff Wall / Courtesy Marian Goodman

La lecture du « Monde » peut dans ses pages culturelles révéler de petites merveilles. C’était le cas l’autre semaine sous la plume de Michel Guerrin et Claire Guillot à propos de l’exposition du Canadien Jeff Wall à la galerie Marian Goodman. Un papier exemplaire sur l’approche d’un grand photographe actuel, un outil précieux dans la compréhension d’une œuvre, en pleine réinvention. A lire pour mieux appréhender ces huit photographies saisissantes qui replacent le photographe au coeur des problématiques du monde contemporain, alors que Jeff Wall commençait à nous lasser de ses natures urbaines grand format, éblouissantes de précision et de technicité, placées avantageusement dans des caissons lumineux à la manière des publicités d’Abribus, mais terriblement aseptisées. Le photographe, toute à son exigence, revient aujourd’hui à ses intentions premières : documenter d’un « nouveau réalisme » artistique le monde sous nos yeux, une Amérique en crise, en imposant une distance poétique qui distinguerait la photographie du photojournalisme. Et les sujets, désormais photographiés, en sont comme revitalisés, portés par une énergie neuve et proprement passionnante. Le déclin photographié de l’Empire américain par le plus minutieux des photographes.

« Jeff Wall », galerie Marian Goodman, jusqu’au 24 avril.

Le nouveau réalisme selon l’artiste Jeff Wall, par Michel Guerrin et Claire Guillot, Le Monde, 19 mars 2010.

El Juli, premier de rentrée à la Féria d’Arles

4 avril 2010

C’était la rentrée, avant-hier, aux arènes d’Arles. Veste noire, chemise blanche, chapeau, cigare pour ces messieurs, dames en variations Lacroix maintenant que le maître a fermé boutique, enfants et adolescents tentant une évolution street-wear mais la rigueur vestimentaire est à la mesure de l’événement. Arles défend son patrimoine tauromachique, les aficionados les yeux couleur sable et sang, prêts à porter l’épée contre les anti-corridas qui secouent les provinces espagnoles, les moins fervents l’œil précisément sur leur tiroir-caisse.

Dans l’arène, rien ne pesait bien lourd. Six toros sans allant, perdant tempérament et parfois sabot au mitan de la course, désespérant. En face de ces égarés, trois toreros de faible relief : Marco Leal, prenant alternative des mains d’El Juli, dernier venu de la lignée Leal, corps ferme, vigueur de jeune premier, technicien d’arène sympathique. Après lui, vient El Juli qui s’en tira à bon compte, trois oreilles à l’escarcelle, sans qu’on ait envie de le porter en triomphe. A nouveau, comme en chaque rentrée, il faut s’y faire, Sébastien Castella déçut. Le feu-follet, qui nous fait cavaler de Paris à Arles et retour, avait le toro ailleurs. Ni feu, ni flamme dans son toréo. Décevant.

Féria de Pâques, Arles, jusqu’au lundi 5 avril 2010.

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