Archive de la catégorie ‘Carnets de ville’

Liban : sur la route de Beyrouth à Baalbeck

Dimanche 20 septembre 2009

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© Spencer Platt / Getty Images

Sur la route de Baalbeck, Beyrouth et le Liban se découvrent. La capitale apparaît et disparaît comme un fier port de Méditerranée. Elle semble droite, et non pas meurtrie en son cœur par tant d’années troublées. L’illusion de sa beauté éternelle, le souvenir intact de son âge d’or tient à une reconstruction forcenée qui doit beaucoup au président assassiné Rafic Hariri. Son mausolée immense trône sur la place des martyrs entre le Virgin Mégastore et la grande mosquée de Beyrouth, à quelques pas de l’église maronite. Tout le Liban contemporain est là, moitié Genève, moitié Sarajevo au sortir de son siège. Le souk accueille désormais les boutiques de luxe. Gucci, Prada, Burberry, Benetton, Dior font le ravissement de la gentry libanaise. La réplique de cette image, lauréate du World Press Photo 2006, qui fit couler tant d’encre : une jeunesse photographiée comme insouciante dans les gravats d’un Beyrouth sous les bombes.
Sur la route, vers Baalbeck, on voit le Liban, la Méditerranée, le Mont Liban qui pousse par delà les nuages, la plaine de la Bekaa, terre riche et grasse qui nourrit ce pays de petites villes modernes et de gros bourg paysans. La frontière syrienne est à vol de moineaux. Baalbeck. Plusieurs portraits en pied, gigantesques, de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, se succèdent et vous accueillent. Plus loin, le QG du Parti de Dieu en impose, portrait de Yasser Arafat en proue. La route se prolonge jusqu’aux temples romains, un des sites archéologiques les mieux préservés au monde. Le péristyle passé, les visiteurs se posent sur les pierres monumentales menant au temple de Jupiter. L’air est chaud, à peine tempéré par le vent de ce presque début d’automne. Chacun rêve enveloppé par les appels à la prière des muezzins. L’usage du monde, même le plus cabossé en ces temps incertains, est notre douceur.

Lampedusa, île de beauté (les yeux fermés)

Jeudi 20 août 2009

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Lampedusa © DR

D’un œil, à demi-clos, pour résister au soleil aveuglant, on reconnaît les paysages du film d’Emmanuele Crialese. Respiro. Lampedusa. Le film et l’île ont désormais destin lié. Les navettes de Siremar et Ustica Lines débarquent les touristes fortunés au matin après huit heures de paisible traversée ou 4 heures d’aliscafes, à saute-mouton sur les vagues de Méditerranée. Sur l’île, certains choisiront le scooter, d’autres les méharis de fortune qui trouvent ici une énième jeunesse à parcourir l’île en beauté. L’île n’a pas de site remarquable, pas de chapelles miraculeuses. Des hôtels de luxe, des restaurants de plage et de poissons, quelques pasticceria aux crémeux cornetti, six ou sept bistrots et trattorias via Roma où il fait bon se retrouver, douché et rafraîchi, à l’heure de l’apéro. Et rien d’autre qu’une terre de lune que des années de mauvais traitements agricoles ont rendu impropres à toute culture. On choisit sa plage et les eaux transparentes comme on visite l’île longue d’une dizaine de kilomètres. On s’y baigne sans souci de la température. Les eaux de Lampedusa apaisent d’une chaleur toute africaine. Nous sommes à 167 km de la Tunisie, à peine plus loin de la Libye. Cet horizon-là pose pourtant souci aux habitants. Cet hiver, comme les précédents, l’île aux fortunés a failli devenir l’île aux clandestins, les migrants africains échouant par milliers sur les côtes, premières frontières d’une Europe rêvée. L’administration italienne – berlusconienne – étant ce qu’elle est, les immigrants ont été entassés dans des centres militaires avant d’être renvoyés vers leur pays d’origine ou à défaut vers la Libye du Colonel Kadhafi avec qui les négociations sont plus que baroques. Il a fallu faire vite, l’été approchait. On ne peut pas mélanger les torchons et serviettes. La réalité et la beauté. Cet été, les plages sont belles, l’eau claire, les terrains militaires bien gardés et les clandestins disparus. Le soleil dore les estivants. La dolce vita.

Librairie des Colonnes : retour à Tanger

Samedi 7 février 2009

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Charles Matton, Librairie des Colonnes (1998) © DR

Vive réaction de Simon-Pierre Hamelin, animateur de la librairie des Colonnes, à la lecture de ma note sur Tanger et réponse idoine, mais finalement nous finissons pour nous comprendre. L’écrivain, photographe, animateur de la revue « Nejma » me reproche dans des termes assez virulents ma vision de la librairie tangeroise sans connaître toutes les difficultés de la vie du livre au Maroc : « … Outre la mauvaise santé du marché du livre au Maroc, c’est ce qui rend la librairie « vide », mais c’est aussi le cas de la majeure partie des librairies marocaines. Aussi, il ne suffit pas de dire que la Librairie est vide, mais il serait peut-être plus judicieux de dénoncer ces fonctionnements structurels et conjoncturels, ou de parler de la gestion de la culture ici, au Maroc, de la diffusion du livre, des intérêts étrangers et notamment français qui rentrent en opposition avec une véritable et effective bonne santé en ce domaine… C’est pourquoi, je suis obligé de rétablir une vérité, qui est la réalité de ce lieu et de souligner l’existence de la Revue Nejma (ayant co-dirigé le dernier numéro de « La Pensée de Midi » sur Tanger, publiant Bowles, Borges, Meddeb, Taïa, Vergne…) dont j’aurais aimé vous parler; aussi des activités de la Librairie qui vont bien au-delà de la réception des « clients exotiques »… C’est aussi à la librairie, que vous auriez pu trouver les traces du Tanger légendaire, dont vous dites, qu’il ne reste rien. Et bien si, Mohamed Mrabet en est le meilleur exemple : premier écrivain marocain a avoir été publié chez Gallimard, traduit en 14 langues, ayant travaillé avec Bowles, ayant connu tous les écrivains que vous citez, travaillant encore (peinture et littérature), à tel point que nous allons sortir ensemble un roman, qui sera publié courant 2009, en Hollande, Allemagne et Italie… et que je suis en train de lui organiser des expositions à Madrid et à l’Alambra de Grenade en mai. Il est effectivement difficile d’avoir accès à ces informations, si je ne suis pas à la librairie… Mais il y a des moyens, toujours, de savoir ce qui se passe ici. Notre réalité et celle de ce pays, nous pousse à être quelque peu susceptibles sur certains sujets, aussi vous voudrez bien m’excusez du ton enlevé de mon dernier courrier. Chacun est le bienvenu à la librairie des colonnes, et je serai ravi de vous y voir. »
Alors, si vous passez par Tanger, poussez la porte de la librairie des Colonnes à la rencontre de Simon-Pierre Hamelin, il sera votre meilleur guide pour découvrir cette ville étonnante…

Le Caire, de jour comme de nuit

Samedi 27 décembre 2008

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Le Caire © Colette Faivre

Les choses, ici, sont de cet ordre. En entrant dans le bureau de Ghamal Ghitany, on est troublé par un cadre. La signature de François Mitterrand. Un billet de félicitations envoyé par l’ancien président de la République au grand auteur égyptien. Dans un autre bureau, un cabinet de dentiste, reçu par Alaa El Aswany, on parle politique, littérature, résidence d’écrivains, chaussure balancée à la face de Georges Bush et du miracle Obama.
Près de dix jours en Egypte, entre Alexandrie et Le Caire, à s’acclimater aux temps égyptiens : l’un, alexandrin, d’un âge d’or révolu fait des mille et une rêveries d’Occidentaux plus attachés à cette terre de légendes anciennes qu’aux égyptiens, l’autre, cairote, fourmillant, espiègle bien que d’une terrible pauvreté.
A Alexandrie, les pieds dans la Méditerranée, la nostalgie rampe mais ne fait plus recette : la grande bibliothèque est vide de ses 600 000 livres, alors qu’elle pourrait en accueillir 8 millions, les étudiants sont là, mais seulement eux et la grande utopie du savoir partagé a fait long feu. Plus loin, la légende Durrell s’écroule : la villa de ses séjours alexandrins est en ruine, abandonnée aux cageots d’un vendeur de concombres, à quelques chats et poules malfaisantes. L’appartement de Cavafis résiste à la dépression, sauvé par le patriarcat grec et le service culturel de l’Ambassade de Grèce en Egypte. Bye bye Moustaki, Omar Sharif, Yolanda Gigliotti et les autres : depuis leur départ vers 1956, c’est de l’autre côté de la Méditerranée que leurs souvenirs trouvent écho. Les femmes ont pris le voile, les hommes, pour certains, sont devenus d’affreux fondamentalistes, les idées courtes, la génuflexion perpétuelle. Les cafés – Elite, Pastroudis et Délices -, en ont perdu leur animation…
La gare d’Alexandrie nous mène jusqu’à celle du Caire. Ramsès, la bien nommée. Le Caire a des allures new-yorkaises, le sable et la poussière en plus. Une ville-monde, une ville-monstre qui engloutit comme elle assimile ses enfants. Une ville aux mille minarets et autant de portraits du président Moubarak, splendeur lassée de ses grands cafés, mais palpitation de ses galeries d’art où l’on découvre une génération nouvelle de photographes et de vidéastes, œuvrant pour une plus grande ouverture d’esprit. Chez Felfela, restaurant incontournable du centre-ville, on croise Simon Njami, l’oeil des rencontres africaines de la photographie de Bamako. Bientôt s’ouvre la Biennale du Caire. Cette Egypte de l’échange africain, du renouveau culturel a besoin de nous, des énergies occidentales dans le respect de son caractère entier. Peut-être alors l’Egypte ne sombrera pas du côté des Frères musulmans ou de l’adoubement d’un autre « démocrate militaire » dans la lignée moubarakienne. Pour lutter, on peut compter sur les taxis cairotes. Un livre en tête des ventes recueille leurs paroles, truculences et autres énervements contre les politiques, les religieux et autres pouvoirs corrompus. Que Mme Suzanne Moubarak bloque la circulation toute une après-midi pour se rendre à l’Opéra, et c’est une bordée d’injures qui devraient la retenir de recommencer, que la police mette des voitures à la fourrière et c’est le premier ministre qui est traité d’incapable et d’aubergine gâtée ! Le Caire, de cet esprit, vit de jour comme de nuit.

Tanger la nouvelle se donne à la nuit tombée

Samedi 22 novembre 2008

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Tanger © DR

Tanger, comme beaucoup d’autres villes, se donne à la nuit tombée. Elle devient jaune orange et bleu électrique dans la poussière de la nuit. C’est vendredi, la ville s’est éteinte à l’heure de la prière de midi. Puis, pas à pas, les tangérois ont repris leurs droits dans la ville blanche. Il fait encore soleil, sur la terrasse des restaurants de la place du Grand Socco, on peut voir dans un mirage l’Espagne de Tarifa toute proche. A coups réguliers, la sirène des bateaux faisant la traversée retentit. L’Afrique la plus nordique, et pourtant déjà l’Afrique, ou simplement le Maghreb, si l’on veut être précis : parfums d’Orient, parures dorées, odeurs âcres des marchés, viandes et poissons crus livrés à la chaleur…
Il ne reste rien du Tanger légendaire, celui des écrivains et des artistes de l’après-guerre : Bowles, Williams, Capote, Burroughs, Kerouac. Quelques vieilles américaines excentriques qui rejoindront bientôt le cimetière bordant l’Andrew Church du centre de la ville : on y compte des générations de Gertrude, Walter et autres Esther, aussi nombreux que les pâtisseries et librairies d’un grand siècle européen. La Librairie des Colonnes aujourd’hui est vide, elle ne voit plus passer Jean Genet qui venait y chercher les mandats des Editions Gallimard, juste une vietnamienne un peu folle qui exhorte les libraires à ne pas rester dans les livres qui rendraient neurasthéniques… « Allez-vous balader » leur dit-elle !
Tanger demeure une zone franche, où ne dérivent plus que ceux qui rêvent de faire le passage, matière à fiction pour un André Téchiné en mal d’inspiration (« Loin », « Les temps qui changent »). Les brûleurs rôdent dans les parcs, sur la « terrasse des paresseux » à la recherche d’une combine pour traverser la Méditerranée, cachés sous un camion, impossibles passagers clandestins d’un paquebot.
Certains essayent encore de raviver les grandes heures tangéroises : la photographe Yto Barrada et Cyriac Auriol se sont battus pour créer la Cinémathèque de Tanger au Cinéma Rif. Elle affiche aujourd’hui des films marocains, israéliens ou algériens, et une rétrospective des films de François Truffaut : Le dernier métro, Jules et Jim, La Peau douce… Bains de terre, hamman, jus d’orange frais, casbah, medina, bien sûr, de la douceur mais quand elle se mêle à autant de nostalgie, on rêve presque d’un autre monde… Vient alors la nuit pour nous réconcilier avec cette triste désuétude. Garçons et jeunes filles d’aujourd’hui se baladent. Et cette jeunesse sans doute heureuse malgré une monarchie peu regardante sur les droits de l’homme, affranchie des vieilles lunes occidentales, est le talent de Tanger, sa force et la possibilité, oui, d’un monde nouveau…

New Museum : musée haut, musée bas

Vendredi 12 septembre 2008

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New Museum © Dean Kaufman

Depuis décembre 2007, New York compte un nouveau musée – c’est d’ailleurs son nom. Le New Museum. Un musée d’art contemporain, au plus près des artistes de notre temps. Au sud de Manhattan, entre Little Italy et Chinatown, le New Museum en impose tout de suite par sa couleur, un blanc immaculé que vient réveiller une sculpture arc-en-ciel d’Ugo Rondinone (Hell, yes !), sa taille et son architecture de boîtes à chaussures posées les unes sur les autres. « Designed by the japanese firm Sanaa and the architects Kazuyo Sejima and Ryue Nishizawa » nous apprend le New-York Times sur son site Internet.
On entre séduit, on en sort dépité, déçu par une exposition « After nature » sans souffle, sans aucun point de vue : quelques oeuvres faiblardes (à l’exception d’un admirable cheval passe-muraille de Maurizio Cattelan et d’une vidéo saisissante d’Artur Zmijewski), livrées au public sans qu’on y comprenne grand chose, dans un vide glacial, où se traîne et s’épuise aussi une danseuse sur le ciment impeccablement ciré…

New Museum, 235 Bowery, New York.

New York 09 / 11 : love your enemies

Jeudi 11 septembre 2008

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World Trade Center Memorial Lights © DR

Dans le Paris-New-York de 8h25, affrété par Air France, il n’y avait personne. Plus de 200 places libres. Le personnel de bord a déplacé les passagers pour équilibrer l’avion. Peur d’une récidive ? Etrange comportement que cette date produit. Le 11 septembre. A l’arrivée à New-York, la vie bat son plein, trépidante comme je l’aime, cosmopolite, intrigante et moderne. Pourtant, ce matin, à 8h46, les cloches des églises ont sonné, rappelant l’attaque terroriste des tours jumelles du World Trade Center. Partout, des drapeaux ont fleuri, deux services à la Trinity Church, voisine, rendront hommage aux disparus. John Mc Cain, Bill Clinton, Barack Obama sont attendus sur le site, trou béant où a été bâti un mémorial de fortune, des grues tout autour. Un périmètre de sécurité en interdit l’approche, seules les familles des victimes et des pompiers en association sont autorisés à y pénétrer. Ils portent tous un ruban blanc et bistre, d’autres des t-shirts distinctifs à l’effigie d’une soeur, d’un fils, d’un ami. Qui se souvient de Veronica Torres ? Sa famille demande qu’on ne l’oublie pas…
Plus loin, des activistes tiennent haut des pancartes, demandant la vérité sur le 11 septembre et le retrait des troupes américaines. Ils sont jeunes, font du bruit. Des patriotes, étoilés, les conspuent sur le trottoir d’en face. Sur le pas de sa porte, un joaillier est au spectacle. Sur sa vitrine refaite à neuf, les images de sa boutique le jour d’après témoignent pour lui. Bientôt, les voix des opposants à la guerre sont couvertes par une chorale de mormons en habits traditionnels. Ils chantent et offrent de petits guides qui ont pour titre « Love your enemies ». Ils ne font guère recette. A la nuit tombée, deux raies de lumières bleues dans le ciel sombre et nuageux sont venues clore cette journée du souvenir. La terrasse du New Museum accueillait gracieusement les New-Yorkais pour qu’ils se recueillent ensemble…

Le site « Here is New York »

Berlin dans le jardin du bien et du mal

Dimanche 27 juillet 2008

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© DR

Il est midi. Berlin. Près de la porte de Brandebourg, on déjeune, on écrit quelques cartes postales, on profite du soleil orageux d’Europe de l’Est. Direction le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, construit par l’architecte américain Peter Eisenman sur une esplanade près du Tiergarten, où caché sous la terre se cachait jusqu’en 1945 le bunker de Joseph Goebbels, l’homme de propagande d’Adolf Hitler.
Inauguré en 2005 pour le 60e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, sa construction provoqua bien des polémiques – sur l’idée même du mémorial puis sur le produit utilisé pour empêcher les tags sur la pierre, fabriqué par une firme Degussa, dont l’une des filiales fabriquait le gaz zyklon B de sinistre mémoire. J’avais découvert, en construction, cet ensemble hypnotique de petites et gigantesques pierres tombales noires, comme un monumental cimetière à ciel ouvert. Je voulais le voir terminé. Il est magnifique. Mais pourquoi laisse-t-on les enfants y courir comme au jardin d’enfants, les adolescents en cohorte de voyages linguistiques s’y embrasser et les plus âgés s’y photographier comme devant une statue de Niki de Saint-Phalle ou les colonnes de Buren ? Ce lieu impose le respect et la dignité comme ultime hommage aux 4,2 millions de juifs exterminés dont le Musée du Judaïsme de Berlin conte, un peu plus loin, avec une louable pédagogie, la vie et celle de leurs ancêtres dans la relation singulière que la communauté juive entretient avec le peuple allemand. Dans le cœur de métal du Musée du Judaïsme résonne la souffrance noire de lave du Mémorial. Ne l’oublions pas, respectons-les.

Tel Aviv l’aube le soir ou la nuit

Samedi 28 juin 2008

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Hotel Cinéma © DR

« La mer est là, mais on ne la voit pas. Les idiots d’Européens qui ont bâti cette ville n’ont rien compris à la Méditerranée. La ville tourne le dos à la mer. Les rues sont parallèles à la côte. En plus, les hôtels bouchent la vue et bloquent le vent du large. Il n’y a pas un souffle d’air. » (Eytan Fox, « The bubble »)

Il faut maintenant quitter Tel Aviv et prendre le chemin du retour vers Paris. De l’aéroport Ben Gourion, où de nouveau les contrôles douaniers sont des plus tatillons, une dernière traversée de la ville comme un fondu enchaîné purement mental de toutes les curiosités qu’offre cette ville « blanche » dite aussi « Colline du printemps » : le ciel toujours clair, le soleil irradiant, la mer comme un horizon de rêve. Des ensembles Bauhaus 1930 en pleine rénovation à la place Dizengoff et son magnifique hôtel Cinéma, des ruelles du quartier bobo de Neve Tzedek à la vieille ville de Jaffa, ici des vendeurs de jus d’oranges, là le petit marché en face du Café Bialik, soufflé il y a quelques années par un attentat, tout Tel Aviv alors se savoure… A bientôt !

Jerusalem la nuit vers le ciel

Samedi 21 juin 2008

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© DR

La nuit vient de tomber, la vie reprend ses droits. De nouveau, de la circulation, des enfants courent pour attraper un bus, les voitures filent sur le périphérique. La nuit flamboie des phares des voitures, de l’éclairage urbain et des enseignes de grands hôtels. Au 10e étage du Jérusalem Gold Hôtel, les bruits de la ville nous parviennent enfin – quel bonheur que ce tintamarre. A croire qu’il nous manquait. Fin de shabbat dans la ville sainte, fin de cette parenthèse hebdomadaire qui fait de Jérusalem une ville quasi morte. Magasins et cafés fermés, musique arrêtée, circulation réduite à quelques taxis. Le temps de samedi. Il régnait pourtant une ambiance joyeuse hier soir, vendredi au coucher du soleil, près du Mur des Lamentations. Femmes en noir, cheveux ramassés sous un voile, contraintes par des vêtements mal taillés, hommes en majesté dans leurs costumes traditionnels, enfants par grappe courant au pas de leur père. Tous convergent vers le mur millénaire. Une marée humaine, noire et blanche, danse, chante, psalmodie et communie dans une fièvre électrique. Quelques taches vertes accrochent le regard : des adolescents soldats en permission de service militaire. Autour de cet étrange manège où les hommes sont séparés des femmes, des touristes du monde entier remplissent le vieux mur de leurs vœux. Un amour américain perdu, une ambition professionnelle anglaise en suspens, un désir d’enfant allemand, un prompt rétablissement français, le monde entier porte une kipa, couvre ses épaules d’un châle et espère.

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