Archive de la catégorie ‘Scenes’

Mathurin Bolze + Hedi Thabet = Ali

Samedi 3 avril 2010

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© Stéphane Rouaud

Il naît tous les soirs de cette semaine dans un recoin du Théâtre de Chaillot, que l’on découvre après force escaliers et couloirs lugubres, un drôle de créature à trois jambes, deux coeurs battants et une très belle âme : Ali. Il faut en dire peu pour que vous découvrirez, bientôt, partout en France, ce beau spectacle du circassien Mathurin Bolze et de son complice Hedi Thabet. Si le mot fraternité doit encore avoir un sens, ou s’il doit retrouver du sens, il est au coeur de ce spectacle. Le plus fort porte le plus faible, mais n’est pas le moins farfelu des deux, le plus simple n’est pourtant pas le plus faible. Dans cette ronde à béquille, Mathurin Bolze et Hédi Thabet nous éloignent de nos certitudes, pulvérisent nos bonnes intentions. Ils oeuvrent, heureux, simples, au plus beau des catéchismes artistiques. L’amour de l’autre.

Mathurin Bolze et Hedi Thabet, Ali, Théâtre de Chaillot, jusqu’au 4 avril, puis en tournée en France.

Deux comédiens, seuls en scène

Jeudi 18 mars 2010

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Jonathan Capdevielle © DR

Il est des comédiens qui, le pied à peine posé sur le plateau, font comme partie de votre famille. Nicolas Bouchaud, depuis ses aventures rocambolesques avec Jean-François Sivadier, et Jonathan Capdevielle, plus récemment, sont de ceux-là. Deux bêtes de scène, deux forces timides. Le temps de sentir la salle, de tenir le public, et ils donnent tout et le meilleur d’eux-même. Jonathan Capdevielle fut ainsi porté en triomphe il y a quelques jours aux Antipodes de Brest, présentant « Adishatz », une performance chantée et bouleversante sur l’adolescence d’un garçon d’aujourd’hui. Il était pourtant bien tard dans cette nuit brestoise mais le public, secoué pour certains de rires trop veules pour ne pas masquer leur gêne, était à l’unisson de cette folie barbare et délicate. Quelques jours plus tard, à Toulouse, Nicolas Bouchaud, les mots dans ceux du critique ciné Serge Daney, partageait sa cinéphilie avec le public du Théâtre national. Fringuant, moqueur et heureux, parfois féroce avec le public, il emportait tout, John Wayne en fond d’écran n’avait qu’à bien se tenir.

Adishatz, une performance de Jonathan Capdevielle.
Showroomdummies, un spectacle d’Etienne Bideau-Rey et Gisèle Vienne.
La loi du marcheur, ms Eric Didry, avec Nicolas Bouchaud (En tournée en France)

Raoul : James Thierrée et son double

Mercredi 21 octobre 2009

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James Thierrée dans « Raoul » © DR

Il arrive en courant sur la scène du Barbican Theater de Londres. Dans la salle, on parle anglais mais aussi français, allemand, sans doute par quelques travées, espagnol. Pour James Thierrée, une Europe se déplace, comme la possibilité d’un enchantement, un divertimento furieux, un esperanto de haute voltige. Déjà, il danse, se dédouble, mime et nous conte des histoires à dormir debout. Des songes d’enfants ébouriffés, les joues rouges à courir le poisson-chat, la méduse à voiles, à s’endormir, fourbus, sur le flanc d’un éléphant malin. Bric et broc, ménagère enfantine en tête de frelon, James Thierrée – faut-il rappeler encore son ascendance chaplinesque ? – est un poème, quelques vers « animal » du poète Eugène Savitzkaya, une traversée de l’Afrique, de l’Asie et retour, par grand vent de tempête, au cœur de son Europe, solidaire et sensible, solaire et amoureux. Au final, il rit encore, danse, et remercie. En français !

Raoul, écrit, mis en scène et joué par James Thierrée. En tournée, à La Rochelle (du 5 au 8 novembre), Clermont-Ferrand (du 30 novembre au 2 décembre) et Paris (Théâtre de la Ville, du 19 décembre au 5 janvier 2010).

Idoménée selon Olivier Py

Vendredi 17 juillet 2009

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© DR

Aix-en Provence. La ville est divisée en deux : le camp du maire populiste UMP Maryse Joissans, condamnée à rejouer le match pour cause de tract diffamatoire, de l’autre côté, celui d’une alliance du centre et de gauche, opposition hétéroclite, menée par le volontaire Alexandre Medvedowsky. Au festival d’art lyrique, le public se partage aussi en deux : passionnés de musique classique et aristocratie déclinante qui trouve ici discipline de classe. Mais le soleil couche bientôt, les lumières s’éteignent et le spectacle commence. Marc Minkowski à la baguette, et assurément, Olivier Py à la mise en scène, au décor et au costume. Affaire de patrie, de cœur et de trahison, Idoménée vous accapare d’un bloc, tant le metteur en scène fait feux d’artifices, exagérant son imagerie habituelle – l’homme est poète et les mythologies, son terrain de jeu favori. Tout est beau, puissant, délicieusement excessif à sa seule manière jusqu’à ce que le metteur en scène se décide chorégraphe et parodiant Maurice Béjart, fasse danser quelques créatures noires et musclées dont le ridicule doit tout autant à leur plastique qu’à leur gestuelle malheureuse. Ils reviendront à plusieurs reprises, mais avouons-le, le reste fut un ravissement.

Les pleines lunes de James Thierrée

Mercredi 30 avril 2008

La dernière fois, nous l’avions laissé, superbe, sur les marches du Palais de Chaillot. Eblouissant James Thierrée, écharpe rouge, godillots délacés, chevelure en début de poivre et sel. Il venait découvrir comme nous le spectacle poussif d’un canadien acclamé du Tout-Paris culturel… Nous restions sur le bord du chemin, ne comprenant rien d’un tel engouement mais ravi d’avoir croisé pour de vrai l’étincelant James Thierrée. De lui, rappeler une nouvelle fois, la filiation : il est le fils d’une fille Chaplin et partant, petit-fils de l’illustre Charles qu’il ne connut que pendant trois années. Plus tard, James T. est devenu acrobate, mime, danseur, contorsionniste, comédien et le merveilleux inventeur d’un univers en mécaniques féroces, soufflerie de rêve et autre pluie de balles de badminton. Son premier spectacle « La symphonie du hanneton » était un ovni formidable, le second (« La veillée des abysses ») avait perdu de la magie première, alors nous attendions avec curiosité le dernier opus de cette trilogie bohème. Si la fantasmagorie opère de nouveau subtilement, ce spectacle manque lui aussi d’un vrai travail de dramaturgie. James Thierrée et sa belle bande enchaînent brillamment les facéties sans réussir à leur donner un sens supérieur. Dommage : même si le public leur fait un triomphe, on reste sur sa faim, persuadé qu’avec le soutien d’un auteur, James l’alchimiste, transformerait son art en or…

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Au revoir, parapluie © DR

Parsifal : Warlikowski année zéro

Mercredi 12 mars 2008

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L’affiche du « Parsifal » de Warlikowski © Duane Michals

« Les idéologies délaissant les lois morales évoluent en folie criminelle. Même l’enfant est entraîné d’un crime atroce à un autre, par lequel il croit avec candeur se libérer de la faute. Ce film, tourné à Berlin l’été 1947, ne veut qu’être un tableau objectif et fidèle de cette ville immense à demi détruite où 3 millions et demi de personnes vivent une vie désespérée sans presque s’en rendre compte. La tragédie leur est naturelle non pas par grandeur d’âme, par lassitude. Ce n’est pas un acte d’accusation contre le peuple allemand, ni sa défense. C’est un constat. Mais si quelqu’un après avoir vu l’histoire d’Edmund pense qu’il faut apprendre aux enfants allemands à re-aimer la vie, l’auteur de ce film aura sa récompense. »

Le texte du carton d’ouverture, puis les images du petit Edmund, suicidaire, du film de Roberto Rossellini « Allemagne année zéro ». Alors, des cris et des hurlements d’un public chauffé à blanc, prêt à la bronca, à sacrifier le talent de ce jeune Polonais, autrefois assistant de Peter Brook et de Gorgio Strehler, protégé par le grand intendant Gérard Mortier. Il y avait une ambiance électrique ce vendredi dans la salle de l’Opéra Bastille. Le vent d’une bataille entre les anciens et les modernes, entre les puristes de la grandeur wagnérienne et les tenants d’une liberté nouvelle offerte aux metteurs en scène, capables d’offrir une esthétique inédite aux grandes œuvres du répertoire mondial. Pourtant, à se balader pendant les longs entractes de ce spectacle de cinq heures et quart dans les coursives de Bastille, on pensait à François Mitterrand et à sa volonté de démocratiser l’art lyrique en créant ce bâtiment phare de son second septennat. Krzysztof Warlikowski ne dit pas le contraire : « L’opéra, c’est d’un côté un public très riche et bourgeois, de l’autre, de plus en plus de spectateurs jeunes, prêts de piétiner des heures pour trouver une place à la sauvette, qui veulent de la nouveauté, des choses qui leur parlent. Moi, je veux leur montrer des morceaux de vie. Pourquoi l’Opéra devrait-il être un art conservateur avec des mises en scène figées dans les dorures ? ». Alors, bien sûr, si ce Parsifal démarre dans le trouble avant de trouver son attraction, impossible de ne pas soutenir l’exigence de Krzysztof Warlikowski sans la moindre réserve, parce que c’est là, à coup sûr, que se joue le tumulte renouvelé du monde, de l’Europe. Et l’envie d’en découdre, toujours, avec les démons de nos temps obscurs pour vivre plus fort encore. Intensément.

Parsifal, Richard Wagner – Warlikowski, Opéra Bastille, en alternance jusqu’au 23 mars.

Madame Raymonde au balcon

Samedi 16 février 2008

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Denis d’Arcangelo © DR

Il nous avait plu, le vibrionnant Denis d’Arcangelo dans le pourtant bien vulgaire « Cabaret des hommes perdus » l’an passé au Théâtre du Rond-Point. Il revient aujourd’hui au Vingtième Théâtre sous les traits de Mme Raymonde, mi-Arletty, mi-Mado la niçoise pour un récital décousu, mais sincère. Accompagné d’un accordéoniste au sympathique nom de Zèbre (Sébastien Mesnil), Mme Raymonde s’amuse, s’oublie et en rit encore devant un public de garçons pour partie acquis d’avance. Dommage seulement que le spectacle se disperse à l’excès en son milieu et qu’il faille attendre les saluts et le rappel pour renouer avec une émotion tout sardonique, où se mêlent les chansons d’Aznazour, Brassens et Ferré.

Mme Raymonde revient, par Denis d’Arcangelo et Philippe Bilheur, Vingtième Théâtre, (jusqu’au 2 mars 2008)

Cie Les Brigands : faites sauter la banque !

Vendredi 11 janvier 2008

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L’affiche d’origine, 1930 (détail) © DR

Navrants Brigands. La compagnie, désormais installée à La Rochelle, avaient pourtant relancé une belle tradition : celle de l’opérette de Noël au Théâtre de l’Athénée. Mais, depuis le ravissant « Ta bouche » de Maurice Yvain (1922), inventif, brillant et canaille, chacune de leurs productions (« Les Brigands », « Toi, c’est moi ») baisse en qualité scénique et musicale. Vulgarité pompière, costumes affreux, décors à l’avenant font le lot de ce nouveau « Arsène lupin banquier », opérette policière d’après Maurice Leblanc. Circulez, il n’y a vraiment pas grand chose à voir, si ce ne sont quelques éphémères numéros de Gilles Bugeaud (Arsène Lupin) et Flannan Obé (son fidèle et sautillant Gontran)…

Arsène Lupin banquier, Cie Les Brigands, Théâtre de l’Athénée (jusqu’au 13 janvier 2008)

Broadway sur Seine

Vendredi 30 novembre 2007

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West Side Story au Châtelet ce soir… Déception. On aurait aimé retrouver pour quelques heures la fièvre des grands « musicals » de Broadway. Comme en septembre, à New York, ce pétaradant Hair Spray au Neil Simon Theatre. Cette fois, le spectacle semble congelé – la sonorisation est telle qu’elle fait perdre tout relief à la voix des chanteurs, les costumes, nouveauté de cette re-création à l’identique, sont anecdotiques. Tony est une sorte de Ken au regard vide, tout droit sorti de chez Gap. Tee-shirt blanc cintré et chinos. Maria insipide. Seule une Anita en pleine forme mérite ses applaudissements. Bien sûr, ça danse, raccord à la légende. 50 ans déjà. Rentré chez soi, on retourne à la magie Bernstein et à l’enregistrement légendaire et « acclaimed » de « West Side Story » (Deutsche Grammophon, 1984) par Kiri Te Kanawa, José Carreras et Marilyn Horne…