L’affiche du « Parsifal » de Warlikowski © Duane Michals
« Les idéologies délaissant les lois morales évoluent en folie criminelle. Même l’enfant est entraîné d’un crime atroce à un autre, par lequel il croit avec candeur se libérer de la faute. Ce film, tourné à Berlin l’été 1947, ne veut qu’être un tableau objectif et fidèle de cette ville immense à demi détruite où 3 millions et demi de personnes vivent une vie désespérée sans presque s’en rendre compte. La tragédie leur est naturelle non pas par grandeur d’âme, par lassitude. Ce n’est pas un acte d’accusation contre le peuple allemand, ni sa défense. C’est un constat. Mais si quelqu’un après avoir vu l’histoire d’Edmund pense qu’il faut apprendre aux enfants allemands à re-aimer la vie, l’auteur de ce film aura sa récompense. »
Le texte du carton d’ouverture, puis les images du petit Edmund, suicidaire, du film de Roberto Rossellini « Allemagne année zéro ». Alors, des cris et des hurlements d’un public chauffé à blanc, prêt à la bronca, à sacrifier le talent de ce jeune Polonais, autrefois assistant de Peter Brook et de Gorgio Strehler, protégé par le grand intendant Gérard Mortier. Il y avait une ambiance électrique ce vendredi dans la salle de l’Opéra Bastille. Le vent d’une bataille entre les anciens et les modernes, entre les puristes de la grandeur wagnérienne et les tenants d’une liberté nouvelle offerte aux metteurs en scène, capables d’offrir une esthétique inédite aux grandes œuvres du répertoire mondial. Pourtant, à se balader pendant les longs entractes de ce spectacle de cinq heures et quart dans les coursives de Bastille, on pensait à François Mitterrand et à sa volonté de démocratiser l’art lyrique en créant ce bâtiment phare de son second septennat. Krzysztof Warlikowski ne dit pas le contraire : « L’opéra, c’est d’un côté un public très riche et bourgeois, de l’autre, de plus en plus de spectateurs jeunes, prêts de piétiner des heures pour trouver une place à la sauvette, qui veulent de la nouveauté, des choses qui leur parlent. Moi, je veux leur montrer des morceaux de vie. Pourquoi l’Opéra devrait-il être un art conservateur avec des mises en scène figées dans les dorures ? ». Alors, bien sûr, si ce Parsifal démarre dans le trouble avant de trouver son attraction, impossible de ne pas soutenir l’exigence de Krzysztof Warlikowski sans la moindre réserve, parce que c’est là, à coup sûr, que se joue le tumulte renouvelé du monde, de l’Europe. Et l’envie d’en découdre, toujours, avec les démons de nos temps obscurs pour vivre plus fort encore. Intensément.
Parsifal, Richard Wagner – Warlikowski, Opéra Bastille, en alternance jusqu’au 23 mars.