Archive de la catégorie ‘Photographie’

Helsinki Kaapeli : le mal court…

Vendredi 11 janvier 2008

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© DR

Une ancienne usine de câbles, à quelques pas de la station de métro Ruoholahti, cachée derrière une galerie marchande, les bureaux flambants verre de Publicis Helsinki et un restaurant trendy (Acqua). Cinq hectares de friches industrielles reconverties en un étonnant « Lieu unique » finlandais au service des artistes et de la culture. S’y côtoient un studio de répétition, le Centre culturel Français, neuf galeries d’art, des écoles d’arts, (et des clubs de sport !), un café chaleureux dont les baies vitrées s’ouvrent sur les quais et la Baltique. Sans oublier le Musée national de la photographie qui propose chaque trimestre une ou plusieurs expositions thématiques. Jusqu’au 6 janvier 2008 : « The nature of evil », très beau travail sur la guerre avec les photographies de Leena Saraste et les installations d’Adel Abidin, Randa Mirza et de Jari Silomäki.

The Finnish Museum of Photography

Helsinki Myymälä2 : derniers jours d’été

Vendredi 11 janvier 2008

C’est une petite galerie du Design District d’Helsinki. On y accède par un petit escalier à la manière des friperies du Lower East Side new-yorkais. A l’intérieur, trois pièces : un bazar de t-shirts et d’objets vintage et deux petites salles d’exposition qui accueillent les photographies de Tuukka Kaila. On y entre par hasard, on en sort enchanté. Est-ce l’influence de Gus van Sant (Paranoïd Park) ou de Larry Clark (Wassup Rockers) qui a donné au photographe l’envie de suivre quelques skatters rencontrés au fil de ses voyages à Hong-Kong, Bratislava ou Bristol ? Le même regard, aussi, pour saisir de jeunes hommes d’aujourd’hui dont on ne connaîtra finalement que le prénom (Luka, Peke). L’un d’entre eux, Killian, porte un t-shirt en manifeste : globe ! Car, comme nul autre, Tuukka Kaila sait aussi photographier ce monde qui, de Shanghaï à Moscou, se métamorphose, puis venir se ressourcer au contact des pins enneigés de sa Finlande natale.

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Killian, Funchal, 2007 © Tuukka Kaila

Last days of the Endless summer, Tuukka Kaila.
Myymälä2, Uudenmaankatu 23 F, Helsinki.

Hedi Slimane : rock’n roll for ever

Mardi 1 janvier 2008

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© Hedi Slimane

Etrange fascination des couturiers pour la photographie : Christian Lacroix créant l’habit du photographe Lucien Clergue accueilli en novembre à l’Académie, Karl Lagerfeld poursuivant une œuvre pompière à cent lieues de l’élégance Chanel et, enfin, le petit dernier, Hedi Slimane, en rupture de ban avec la maison Dior qu’il a pourtant révolutionnée rayon Homme, photographiant ses égéries rock (Pete Doherty, Amy Winehouse) et leurs fans…
A la galerie Almine Rech, Hedi Slimane s’essaye de nouveau à l’exposition, après l’excellent « Mapplethorpe by Slimane » de la galerie Thaddaeus Ropac en 2006. Ouverte sur trois faibles installations tout en rampe de lumières, lettres de néon « Perfect stranger » et scène rayée des talons de Miss Winehouse, l’exposition reprend heureusement le chemin de la photographie. Sous le signe d’un grand feu d’abord. Brûlé le maniérisme glam, Hedi Slimane poursuit sa seule obsession : les jeunes hommes. Loin des silhouettes efflanquées rock de ses défilés, il en photographie d’autres, buveurs de bière, hagards, peu soucieux de leur apparence, rendus fiévreux par la musique. Plus de discours sur l’art et la manière de « documenter ». A l’étage, Hedi Slimane peint un backroom de fumigènes et spotlights et rend les armes devant le portrait d’un garçon torse nu. Il le photographie de dos, bracelet de concert au poing. Tranquillement, il fume. Un clair duvet châtain court sur sa nuque.

« Perfect stranger », Hedi Slimane, Galerie Almine Rech (Paris), jusqu’au 5 janvier 2008.
www.hedislimane.com
www.myspace.com/hedislimaneofficial
www.galeriealminerech.com

Motif d’hiver bois de Boulogne

Vendredi 28 décembre 2007

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© Edward Steichen

Le parcours est remarquable et le Jeu de Paume le met en scène avec une élégante sobriété. Edward Steichen en 450 photographies ! C’est dire si la rétrospective est exceptionnelle. L’exposition commence à l’enfance de l’art, par des photographies à la délicatesse de pastel : paysage paisible, rivière, fleurs, sœur bien aimée sont les motifs de ses premières années, où, ailleurs, d’autres se battent pour faire entrer la photographie au nombre des beaux arts. Edward Steichen sera de ce combat avec son maître Alfred Stieglitz – trouvant son apothéose dans la revue « Camera work », la galerie Photo-Secession et le compagnonnage d’artistes français comme Rodin dont il fera des portraits d’une intensité incroyable.
La seconde partie de la carrière de Steichen, celle à la direction de la photographie des publications Condé Nast (Vogue, Vanity Fair) se révèle, dans l’exposition, nettement moins intéressante. Si les personnalités les plus illustres d’avant-guerre – de Colette à Churchill, en passant par Greta Garbo, Lilian Gish, Marlène Dietrich, Gary Cooper ou Noël Coward s’offrent à son objectif dans des poses très étudiées, inspirées Art déco, leur accumulation finit par lasser comme elle fera perdre à Steichen une part de son crédit auprès des grands photographes de l’époque.
La dernière salle du Jeu de Paume marque une dernière et stimulante rupture. Son engagement militaire l’amène à la fin de la guerre à prendre la direction du Département « photographie » du Museum of Modern Art (Moma) où il avait auparavant monté deux grandes expositions « patriotiques » : « Road to victory » en 1942, « Power in Pacific » en 1942. En 1955, il y présente « The family of man » – tour de force photographique, resté comme une référence dans le domaine de la scénographie. L’exposition réunit 273 photographes, mis au service d’une conception « humaniste » de la photographie. Inscrite au Registre de la mémoire du monde de l’UNESCO en 2004, elle a été reconstituée au Château de Clervaux (Luxembourg) où elle est visible de manière permanente. Edward Steichen à jamais, dans l’histoire mondiale de la photographie…

« Steichen, une épopée photographique », Jeu de Paume, site Concorde, Paris (jusqu’au 30 décembre).

Portraits d’Ellis Island

Jeudi 27 décembre 2007

Ellis Island, cette petite île à l’entrée du port de New York. A quelques encablures de la Statue de la Liberté. Qui n’a pas visité ces bâtiments désormais fantômes, ces salles immenses mais aujourd’hui vides, ne peut, à mon sens, comprendre l’Amérique. Il y résonne encore les voix des migrants, épuisés par d’innombrables semaines de voyage. Pour ceux qui arrivèrent jusque là, entre 1892 et 1954, c’était l’épreuve de la dernière étape : les examens médicaux et administratifs pour valider leur entrée sur le territoire américain. Dans la foulée, la naturalisation. American citizen !
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration accueille jusqu’au 13 janvier 2008 une exposition des portraits du photographe Augustus Frederick Sherman. Une occasion unique de découvrir ces clichés qui, d’ordinaire, ne quittent pas le musée d’Ellis Island. Des portraits, pris entre 1905 à 1920, d’hommes, de femmes, d’enfants, de famille, venus de Russie, de Hollande et même de Guadeloupe, se frotter au rêve américain, porteurs d’une idéale espérance…

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© Courtesy the Statue of Liberty National Monument, the Ellis Island Immigration Museum, and the Aperture Foundation.

Cité nationale de l’histoire de l’immigration : www.histoire-immigration.fr
Récits d’Ellis Island. Histoires d’errance et d’espoir de Georges Perec (en collaboration avec Robert Bober). POL / INA
Golden Door, un film d’Emmanuele Crialese, 2007 (en DVD)

Un coeur qui bat

Lundi 17 décembre 2007

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© Nan Goldin

Que faisait David Lodge ce dimanche après-midi ? Il visitait tranquillement l’exposition « Seduced : art and sex from antiquity to now». A Paris, comme à Londres, de la Bibliothèque nationale de France François Mitterrand au Barbican Centre, la mode est aux « enfers ». La rumeur, sulfureuse, a fait long feu et c’est un pétard mouillé qui s’épuise sous nos yeux. Un parcours déjà mille fois emprunté – ne boudons pas notre plaisir à revoir les frises des lupanars de Pompéi, les « minotaures » de Picasso, les corps nus et décharnés d’Egon Schiele, les photos diablement SM de Robert Mapplethorpe ; à découvrir les travaux plus récents de Marlène Dumas ou de Juliao Sacramento mais, pour le reste, l’exposition est à l’avenant : un peu de Sade, un rien de kama-sutra, la naissance de la photographie, tout de suite transformée en instrument de pornographie, quelques turqueries ou japonaiseries bien salaces – sexes d’homme toujours surdimensionnés, femmes en extase–, un « blow-job » d’Andy Warhol de 48 minutes, d’ineffables Louise Bourgeois (qu’est-ce qu’on lui trouve ?), un tag essentiel de Tracey Emin, un Araki mineur…
Pourtant, il faut aller jusqu’au bout de l’exposition pour Nan Goldin dont on projette le slide-show « Heartbeat » (photo), 245 diapositives incandescentes d’amour et de sexe mélangés sur une musique de Björk et John Taverner (Prayer of the Heart), qui valent à elles-seules le déplacement – comme le résumé opportun et puissamment artistique de la liberté sexuelle conquise de nos jours… Alors que certains cherchent à censurer par tous les moyens les images de Nan Goldin, cette exposition vaut pour la possibilité de partager cette beauté-là et se battre pour elle.
A l’inévitable « gift-shop », à la sortie de l’exposition, David Lodge s’est longuement arrêté devant quelques objets design, feuilleté plusieurs beaux-livres. Les sourcils froncés, il venait de se rendre compte qu’en ce dernier dimanche avant Noël, il ne s’était nullement préoccupé de cadeaux…

Seduced, Barbican centre, Londres, jusqu’au 27 janvier.
Le terrain de jeu du diable, Nan Goldin, Editions Phaidon, 2003
Eros aux enfers, BNF – site François Mitterrand, Grande Galerie, jusqu’au 2 mars

Des journées entières dans les arbres

Samedi 15 décembre 2007

Je gardais un bon souvenir de la rétrospective de Rineke Dijkstra au Jeu de Paume en 2004, de ses enfants et adolescents sortant de la mer, le regard un rien exténué de trop de vagues et de nage. Puis de ses photographies de soldats israéliens vues à Madrid au festival PhotoEspana 2004.
Je retrouve cet après-midi son regard à la Galerie Marian Goodman qui propose dix nouvelles photographies d’une série commencée en 2005 et intitulée « Park Portraits ». Et c’est un nouvel enchantement : de jeunes gens, en solitaire, par deux, par quatre, fixent l’objectif de la photographe néerlandaise (Sittard, Pays-Bas, 1959). Le décor a changé : Rineke Dijkstra les surprend dans des parcs d’Europe, de Chine ou des Etats-Unis. Ils ont en commun l’incertitude du passage d’un âge à un autre. Des « Ménines » contemporaines d’abord, ailes de fées dans le dos, corde à sauter dans les mains… Des adolescents, plus intéressants encore : des garçons efflanqués, duvet sombre en moustache, jambes poilues, tee-shirts et chemises trop larges, baskets aux pieds ; des filles mal fagotées, nombril dévoilé, ongles rongés, vernis et multicolores, colliers de bric et de broc, marguerite de plastique dans les cheveux… Ils traînent, passent le temps, confondant d’indécision et de désirs maladroits, aussi. Derrière eux, des parcs verdoyants, des étangs, des frondaisons où percent de belles lumières printanières. Ici, dans le cœur pourtant battant des villes, tout est tranquille.

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Rineke Dijkstra, Park Portraits, Marian Goodman Gallery, Paris (jusqu’au 19 janvier)

Marseille, cité radieuse

Vendredi 7 décembre 2007

J’avais très envie de revenir à Marseille, voir le soleil d’hiver sur la Canebière, baignant l’Estaque et le fort Saint-Jean. Descendre les escaliers de la gare Saint-Charles en pensant à Montand dans « Trois places pour le 26 », le dernier film de Jacques Demy. Cette ville passionnante que Jean-Claude Izzo me fit découvrir peu de temps avant sa mort. Sa femme, Catherine, y vit toujours entre deux voyages qui la mène de par le monde.
Nous avions rendez-vous sans nous le dire à la très intrigante Cité radieuse – Le Corbusier, où elle expose une série de photographies à la galerie Imbernon. De très petits formats, à son habitude, comme un voyage hypnotique dans Marseille, qu’on croirait abandonné. Catherine Izzo nous fait découvrir, par ses photographies, un Marseille en « détails » qu’elle nomme « Traversée ». De très belles manières que confirme la parution ce mois-ci d’un livre « Vous toucher » co-signé avec l’écrivain-traducteur Claude Bleton. Je vous en livre ici les premières lignes : « Elle marchait sous les platanes de l’avenue. Il arrivait en sens inverse. Ils allaient se croiser quand soudain elle s’est approchée, a tendu le bras et dit : « Pardon monsieur, est-ce que je peux vous toucher ? »

Le site de Catherine Izzo : http://passevue.com
Claude Bleton (texte), Catherine Izzo (photographies), « Vous toucher », Collection Collatéral, Editions Le bec en l’air.
« Traversées. Marseille, 26 septembre 2003, 18h15 – 19h26 ». galerie Katia Imbernon. Unité d’habitation Le Corbusier, 3ème rue, Marseille.

Orient Express

Samedi 1 décembre 2007

On pénètre dans cette galerie passage Véro-Dodat, sans prêter attention au bric-à-bric de meubles, sans doute fort chers, qui aident vraisemblablement le ou la propriétaire à faire vivre pareille enfilade de pièces aux moquettes épaisses. Sur les murs, des photographies de Denis Dailleux qui portent sa fascination pour l’Orient et l’Egypte en particulier. Des images dénuées de tout pittoresque et qui voient juste – à la hauteur des gens du crû. Et c’est dans cette assimilation que le regard de Denis Dailleux trouve toute sa force, qu’il soit face à des musiciens, des buveurs de thé, des fumeurs, des vieillards ou des enfants perdus. Beaucoup d’hommes plutôt jeunes, des femmes absentes du paysage à l’exception d’une rutilante danseuse du ventre pour dire toutes les difficultés à être aujourd’hui dans le règne déclinant du président Moubarak. C’était un beau voyage, une belle traversée de quelques minutes. En refermant la porte, Paris et le froid de décembre ont repris leurs droits…

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© Denis Dailleux

Du Nil dans mes veines, Denis Dailleux, Galerie du Passage (jusqu’au 8 décembre).

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