Archive de la catégorie ‘Photographie’

Malick Sidibé à chemises ouvertes

Dimanche 27 juillet 2008

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Regardez-moi ! © Malick Sidibé

Une nouvelle réussite de la maison Steidl. « Chemises », le dernier recueil d’images de Malick Sidibé vaut absolument le détour pour sa mise en page d’un réalisme rare. Sur ses photographies classées dans des chemises pastel annotées de sa main, tout le Mali danse, se réunit pour fêter une promotion, une naissance. Et c’est la vie d’une belle jeunesse malienne qui défile sous nos yeux : Bamakoises élégantes patron grand couturier taillé dans des wax d’importation hollandaise, hommes respectables de Koulikoro en costume de ville s’encanaillant au son des yéyés locaux…
À la fin des années 50, dans un Mali nouvellement indépendant, Malick Sidibé se passionne pour la photographie. En 1962, il ouvre le « Studio Malick », où il fixe, en noir et blanc, des habitants de la capitale : jeunes poseurs, danseurs de boîtes de nuit et de surprises-parties, promeneurs des bords du Niger. Les tirages sont collés sur des chemises et exposés pour que les clients puissent faire leur choix. Nombre de ceux que Malick Sidibé a immortalisés vivent encore à Bamako. Dans un documentaire de Cosima Spender et d’Emiliano Battista diffusé ces jours-ci sur ARTE, ils racontent les séances avec le photographe, mais aussi la vie quotidienne et l’évolution du Mali depuis les années 60. Âgé aujourd’hui de 73 ans, le magistral Sidibé a reçu en 2007 un Lion d’or à la Biennale de Venise, pour l’ensemble de son oeuvre.

Chemises, Malick Sidibé, Editions Steidl, 2008.

Malick Sidibé, La dolce vita africana, un documentaire de Cosima Spender et Emiliano Battista (GB, 2007, 60 mn). Rediffusions sur Arte, le 21 juillet à 5h00, le 30 à 5h00.

Lighter : la disparition de Wolfgang Tillmans

Samedi 26 juillet 2008

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« Truth Study Center » une installation de Wolfgang Tillmans © DR

Le photographe que nous aimions tant a disparu. Adieu, les foules de gay pride berlinoises, cette bande d’amis photographiés au gré de leurs vies à Londres, Paris, Berlin, pantalons baissés et sexe dressé, fini les éclipses et le concorde dans le ciel, fanés les bacs à fleurs, chêne et chanvre, le pommier de balcon, remballées les sculptures de t-shirt, sweats et shorts de lycra bleu, les natures très mortes. En quelques années, le photographe allemand Wolfgang Tillmans, auquel la Hamburger Banhof de Berlin offre une belle rétrospective, est devenu plasticien, se consacrant à des travaux très abstraits sur la couleur, la lumière et la matière. Est-ce une nouvelle direction ou un passage à vide ? On voudrait retrouver l’homme aux portraits et l’activiste très engagé aux installations « Soldiers » et « Truth Study Center » consacrées à la guerre de Bosnie et aux maux de nos sociétés contemporaines (sida, guerre de l’après-11 septembre, surconsommation, atteinte aux droits de l’homme et à la démocratie). Des charges salutaires emportées par un talent inégalable qui lui valut le très provocant Turner Prize en 2000.

Lighter, Wolfgang Tillmans, Hamburger Bahnhof, Berlin, jusqu’au 24 août 2008.

Hedi Slimane : les enfants du rock

Samedi 26 juillet 2008

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© Hedi Slimane

C’est un coffret de carton simple, dans lequel se présentent trois brochures élégantes. L’une se distingue d’un grand rectangle noir, l’autre d’argent et la dernière jaune d’or. Hedi Slimane réunit ses travaux récents et publie à l’occasion de son exposition au Musac de Leon en Castille (Espagne) son « Rock Diary ». Rien de nouveau sous l’objectif, juste la confirmation des obsessions du fantôme élégant de la mode : des rock-stars en maintien trash (Pete Doherty, la chevelure hirsute d’Amy Winehouse), des amis effacés (Gus van Sant de dos), des natures mortes de guitare, quelques traces de fumigènes… Et des garçons, encore des garçons, toujours jeunes, quittant à peine l’adolescence. Enfants du rock qu’Hedi Slimane, troublé, photographie torse nu, glabre, nuque fraîche, buveurs de bière… Un style immédiatement reconnaissable, une esthétique moderne et obsédante.

« Rock Diary » (Editions Les Presses du réel). Photographies d’Hedi Slimane. Textes de Vince Aletti, Rafael Doctor Roncero, Alex Needham, Agustín Pérez Rubio, Jon Savage.

Intimité de femmes à Saint-Pétersbourg

Mardi 15 juillet 2008

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© Françoise Huguier

Souvenirs d’un dimanche d’il y a longtemps dans sa maison-atelier de la rue des Pyrénées. Poulet pommes de terre et deux belles heures d’une conversation comme sa vie au long cours. Françoise Huguier, femme de fort caractère, photographe et beaucoup plus encore : arrière-petite fille d’illustres brodeurs bretons, enfance d’amazone en Asie, des journées entières perdues dans les arbres de caoutchouc qui inspirèrent le film « Indochine » de Régis Wargnier et fascinèrent Catherine Deneuve, amoureuse de l’Afrique et de ses artistes, initiatrice de la Biennale photo de Bamako, mamma photographe d’une tribu de femmes d’ici et d’ailleurs (Barbès – Bamako – Saint-Pétersbourg) dont elle saisit avec pudeur et impudeur l’intimité, une des rares photographes de mode françaises à faire la couverture du prestigieux New York Times. Et puis cette voluptueuse couverture métissée de Télérama pour un des derniers Noël chrétien de la publication avant qu’elle ne se vende aux laïcards du Monde. Voilà pour moi, ce sont tous ses petits cailloux de couleur, Françoise Huguier. Elle est, elle aussi, à Arles, de retour de Saint-Pétersbourg, pour son ami et complice Christian Lacroix. Une descente aux enfers des appartements communautaires de Saint-Pétersbourg, d’où elle emporte la plus belle fleur, Natacha, d’où elle raconte la pauvreté, le rien qu’ici on parvient à recycler, la ruine qui fait office d’ordinaire et de salut… Et des arbres, encore, enneigés dans le ciel lourd de Russie.

Françoise Huguier, Kommunalka, Atelier de maintenance, Arles, jusqu’au 14 septembre.

Tim Walker aux mains d’argent

Mardi 15 juillet 2008

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© Tim Walker

Ce sont des univers de peu de choses qui se transforment en monts et merveilles de pays de pacotille. Ce sont des êtres d’aujourd’hui qui ferment les yeux et voient leur réalité devenir un rêve de pastel, de végétation grandissant et luxuriante dans la baignoire. Ce sont des garçons de bohème qui portent sur leurs visages la lumière d’un arc-en-ciel. Ce sont encore mille créatures célestes que Tim Walker invente avec une puissance inégalée. Au jeu de la découverte, Christian Lacroix, maître des couleurs, nous fait un beau cadeau avec cette exposition des photographies du britannique Tim Walker. Sage et fou à la fois !

Tim Walker, Images du pays des merveilles, Atelier de maintenance, Arles, jusqu’au 14 septembre.

Pierre Gonnord : plus vrai que peinture

Mardi 15 juillet 2008

Un éblouissement. Un seul et intense. Les photographies de Pierre Gonnord. Des grands formats de visage hérités de tant de siècles de peintures et d’humanité. Des hommes et des femmes en marge dont les visages parchemins disent le monde entier, les guerres, les conflits, les populations déplacées, les mélanges, la douleur et l’exclusion. Teints mordorés, race et folie mélangées, balafre de l’existence et candeur de l’enfance, il y a du Christ, il y a de l’Evangile page à page, photographie après photographie, comme un monde de violence sans cesse perpétué.

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© Pierre Gonnord

Pierre Gonnord, Sous la peau, Ateliers des forges, Arles, jusqu’au 14 septembre.

Richard Avedon : un étrange poème d’adieux

Mardi 15 juillet 2008

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© The Richard Avedon Foundation

Avedon, encore et toujours. Après la rétrospective du jeu de Paume, il est utile de découvrir les dernières images de mode et de mort données par Richard Avedon au New Yorker. Dans cette publication des intellectuels de la côte Est, Richard Avedon dit le 6 novembre 1995 adieu au monde de la mode par un conte cruel réalisé à grands frais. Mme et M. Comfort, une mannequin ravissante et un squelette, fort expressif, se donne la réplique en une trentaine de tableaux où le monde court à sa perte et à sa destruction. Les images sont remarquables de grâce et le conte provoquant tourne à la désolation comme un ultime reniement de Richard Avedon à ce métier qui fit de lui un roi…

Richard Avedon, En souvenir des regrettés M. et Mme Comfort, Cloître Saint-Trophisme, Arles, jusqu’au 31 août.

Patrick Swirc : par temps Claire…

Mardi 15 juillet 2008

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Claire Castillon © Patrick Swirc

Avons-nous droit de le dire et de révéler un secret qui semble de polichinelle ? Le photographe Patrick Swirc aime à s’en damner l’écrivaine Claire Castillon (Je prends racine, La reine Claude, On n’empêche pas un petit coeur d’aimer, tous publiés chez Fayard). Il y a quelques années, elle fit tourner le coeur d’un autre Patrick, grande icône télé-ménagère désormais sur le retour. Patrick Swirc aurait du s’en méfier mais peut-être pas non plus… Puisqu’il hurle à Arles son amour défait dans un journal photographique de belle tenue. Deux mois de douleur sentimentale furieusement domptée par la photographie. A découvrir.

Patrick Swirc, lettre à Claire, Atelier des forges, Arles, jusqu’au 14 septembre…

Samuel Fosso, le caméléon

Mardi 15 juillet 2008

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Détail © Samuel Fosso

Il navigue entre Pierre et Gilles et Malick Sidibé, se transformant d’une photographie l’autre en sosie de Senghor ou de Malcom X, parfois même en grande dame de chez Tati. Sur l’une de ses photographies, parmi les plus anciennes, où il se met déjà en scène, il est dit : « Vous serez beau, chic, délicat et facile à reconnaître ». Un vrai crédo pour le performer photographe camerounais Samuel Fosso qui fit l’an passé les belles heures des Rencontres photographiques de Bamako.

Samuel Fosso, Atelier des forges, jusqu’au 14 septembre.

Grégoire Korganow : les femmes d’à côté

Mardi 15 juillet 2008

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© Grégoire Korganow

Il est photographe de mode, saisissant des instants chics. Il est aussi photographe. Tout court. Il porte en lui des images et des combats. Des océans de larmes contenues, des malheurs qui vont par deux, par trois. A Arles, au côté de ses photographies de mode, Grégoire Korganow, invité par Christian Lacroix, livre un reportage émouvant sur la condition des femmes et des familles d’hommes emprisonnés. Emporté par la réalisatrice Stéphane Mercurio pour un documentaire, il est resté attaché à plusieurs d’entre elles. Des femmes amoureuses qui feraient le tour de France pour quelques minutes de parloir, des enfants déménageurs au gré des transferts de leur père abandonnant à chaque fois copains et petites copines dans le malheur familial, des femmes qui pleurent, le regard accroché au mur d’enceinte de la prison où elles viennent en cachette guetter un signe, l’assurance qu’à l’intérieur, cela va. Des femmes dignes et exemplaires.

Grégoire Korganow, A côté, Atelier de mécanique, Arles, jusqu’au 14 septembre.

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