Archive de la catégorie ‘Photographie’

Les beaux miroirs de Thomas Dozol

Mardi 26 juillet 2011

thomasdozoljohann.jpg Johann © Thomas Dozol

Comment en sommes-nous arrivés là ? A ces beaux miroirs ? A l’habitude, par un mauvais chemin. Chaque mois, l’écrivain américain Bruce Benderson livre à Têtu un Journal d’un goujat, bien nommé et parfois peu inspiré, où il est question, pêle-mêle, de ses conceptions variantes sur son propre monde. A se demander souvent pourquoi Pierre Bergé, le propriétaire, lui offre un tel pignon ? Passons. De quoi était-il question ce double-mois-ci ? D’un jeune photographe, flanqué, le pauvre, d’un terrible sparadrap « le-compagnon-de-michael-stipe-le-chanteur-de-r.e.m. ».
Peu instruit de sa musique et de l’impact de ce compagnonnage, on le ravala. Sauf qu’au moment de tourner la page, il s’en fut quand même du talent du photographe, assez ajusté pour vous faire prendre en pleine figure l’émotion bleu acier du regard suspendu et du visage d’un jeune homme roux, tout droit sorti de sa douche. Magnifique. On déchirait la page, en se promettant d’y revenir un jour.
Ce jour, c’était hier à découvrir le site et blog de Thomas Dozol et à parcourir par ailleurs les quelques interviews données par le photographe, né en France (Cannes) et heureux d’une carrière débutante entre Paris, New-York et Athènes. A le lire, timide et humble face à son quotidien de créateur, à observer ces images riches d’obsessions masculines, d’instincts sensibles ou géométriques, entre nus au bord de la pudeur et furieuse élégance, on lui trouvait un vrai intérêt et une grande profondeur, loin des inepties débitées par le navrant Benderson, perdu, lui, dans la contemplation de sa petite mare.
Que faire alors ? Découvrir au plus vite son blog et espérer qu’après Atlanta et New-York, ses premières expositions (dont I’ll be your Mirror au titre emprunté judicieusement au Velvet Underground) soient visibles à Paris…

Lire :
- Le blog de Thomas Dozol.

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Danny © Thomas Dozol

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Thomas Dozol © The Selby.

Voir encore :
- The Selby.

Dash Snow : la mort d’un autre irrégulier

Samedi 23 juillet 2011

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Dash Snow © Mario Sorrenti

Etonnante mystique que ce signe du 27, repris en masse par tous les médias depuis l’annonce de la pauvre Amy Winehouse. A cette série conséquente et précieuse de mort précoce (Hendrix, Morrison, Basquiat, Joplin, Cobain), on ajoutera celle de Dash Snow, le jeune et singulier photographe américain, retrouvé, overdosé, dans une chambre d’hôtel de l’East Village en juillet 2009 à New-York.
Ses polaroïds qu’il qualifiait lui même d’« uniques souvenirs de ses nuits », racontent un quotidien de sexe et de drogue dans une lucidité affolante. Fils d’une plus glorieuse famille de collectionneurs du monde, les De Menil, adolescence de bohème entre centre de détention pour mineurs et la rue, cet « enfant de Warhol », comme le qualifia en 2007 le New-York Magazine, n’était inspiré que lorsqu’il était entouré de sa bande d’amis interlopes (Ryan McGinley, Dan Colen, Terence Koh, Carol Bove et Agathe Snow), vite devenus les sujets de son œuvre entre débauche nocturne et réveils hagards en milieu d’après-midi.

Lire :
- Ariel Levy, Chasing Dash Snow, New-York Magazine, 7 janvier 2007
- Sean O’Hagan, The last days of Dash Snow, The Guardian, 20 septembre 2009

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© Cass Bird

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© Cass Bird

Au hasard Charles Henri Ford

Vendredi 22 juillet 2011

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Charles Henri Ford © Henri Cartier Bresson

Beauté ironique de cette photographie d’Henri Cartier Bresson, retrouvée dans le catalogue d’une exposition passée au San Francisco MOMA. L’insolence d’un bel irrégulier, Charles Henri Ford (19013 – 2002), poète, écrivain, photographe américain, figure du Tout-Paris artistique de l’avant-guerre avant d’en retourner vivre à New-York. Si Paris est une fête, il en fut, fréquentant Man Ray, Peggy Guggenheim et le salon de Gertrude Stein qu’on célèbre magnifiquement ces jours-ci à San Francisco dans une exposition impeccable « Seeing Gertrude Stein » au Contemporary Jewish Museum. On lui doit, entres autre, la revue surréaliste View aux contributeurs prestigieux : Masson, Picasso, Miller, Klee, Camus, Durrell, O’Keeffe, Borges, Miró, Calder, Chagall, Genet, Magritte, Dubuffet…

David Hilliard en plein cœur

Mercredi 20 juillet 2011

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Rock Bottom, 1997 © david-hilliard.com

Trois ou quatre panneaux, toujours. Trois ou quatre images comme le plan séquence d’un spectacle que nous devinons intime et sensible. Bien sûr, David Hilliard, qui fut l’élève de Greg Crewdson et Philip-Lorca di Corcia à Yale, n’échappe pas à un certain conformisme de la photographie américaine, un maniérisme propre à l’époque et à la mode pour les images très léchées et une homo-sensibilité un rien rebattue, mais, preuve de son talent, son travail et plus encore ses sujets, ses obsessions, rassemblés le plus souvent sous la forme de triptyques émouvants touchent à en plein cœur.

Exposition jusqu’au 7 août à la Galerie particulière (16 rue du Perche, Paris 3).

Wolfgang Tillmans : la beauté du geste

Mardi 24 août 2010

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Dan, 2008 © Wolfgang Tillmans / Courtesy of the artist and Maureen Paley.

Une image, pour une fois sans commentaire, dans l’idéale beauté de ce geste. La force des photographies et du regard de Wolgang Tillmans, définitivement.

Wolfgang Tillmans à la Serpentine Gallery, Londres, jusqu’au 19 septembre 2010.

Peter Hujar : chambres séparées (1)

Dimanche 8 août 2010

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David © Peter Hujar

Peter Hujar (1934 – 1987), une résurrection. Après la rétrospective à l’ICA de Londres, la couverture de l’album « I’m a bird now » d’Antony And The Johnsons, quelques images aux Rencontres d’Arles font revivre ce somptueux fantôme. Peut-on imaginer alors une plus large audience à son travail ? Il est vrai que sa photographie de « Candy Darling sur son lit de mort » fait encore écran à une part importante de son œuvre. Car, si Peter Hujar tutoie volontiers la mort, présentant pour sa seule grande exposition new-yorkaise en 1977 des images des corps momifiés des catacombes de Palerme qu’il associe à certains de ses portraits, où les modèles semblent, pensifs, arrêtés dans un autre monde, un demi-monde où la réalité est grave, la nuit new-yorkaise, photographiée avec un semblant de formalisme noir et blanc, sans le sensationnalisme d’un Weegee, est plus encore son terrain de prédilection.
La nuit, Peter Hujar photographie des ruelles sombres, à peine éclairées par les néons publicitaires, des no-man’s land au coin de Leroy Street, des terrains vagues de drague homo près de Meatpacking District, des jeunes filles en marge dormant dans un hall d’immeuble. Le jour, il tire le portrait de ses proches, faisant encore figure d’outsiders mais en passe de devenir d’autres lumières de cette ville-monde. New-York est pauvre mais riche de talents (Susan Sontag, Divine, Jackie Curtis, John Waters, Diana Vreeland, Robert Wilson, Fran Lebowitz) que Peter Hujar croise et photographie. Son oeuvre – notamment ses nus (Bruce de Saint-Croix) ou ses portraits d’animaux – qui influencera Robert Mapplethorpe et plus tard Nan Goldin, reste largement à connaître. Comme celle, d’ailleurs, de son compagnon David Wojnarowicz. Elles sont réunies, de manière laconique, dans l’exposition « I’m a cliché » d’Emma Lavigne, consacrée à l’histoire photographique du mouvement punk aux Rencontres d’Arles. Pourquoi dans ce cadre ? Va savoir mais ne boudons pas notre plaisir de pouvoir découvrir ces images.

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© Peter Hujar

Peter Hujar, in « I’m a cliché, échos de l’esthétique punk », exposition aux Rencontres d’Arles, ateliers SNCF, jusqu’au 19 septembre.

Le site de la galerie Matthews Marks

David Wojnarowicz : chambres séparées (2)

Dimanche 8 août 2010

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© David Wojnarowicz

David Wojnarowicz (1954-1992), de bruit comme de fureur. De lui, que sait-on vraiment ? Deux livres dont l’important « Au bord du gouffre » ont été réédités en 2004 aux Editions Laurence Viallet.
Enfant battu et maltraité, David Wojnarowicz s’enfuit à New York, découvre son homosexualité, vit dans la rue, subsiste grâce à la prostitution occasionnelle. Il traverse les États-Unis en auto-stop. Dans les années 80, il est de ces figures de l’East Village new-yorkais, reconnues pour ses talents multiples (photographe, vidéaste, peintre, sculpteur et écrivain, performer) mais si difficiles à définir. Touche-à-tout inspiré, son cri de rage et d’outrage contre le sida fera date.
On le découvre aussi dans les tableaux photographiques éblouissants de beauté de son compagnon Peter Hujar. Avec lui, il partage le goût de l’image et de la littérature… avec un engagement politique beaucoup plus fort, contestant les fondements de la société américaine. Le philosophe Félix Guattari le présentait ainsi : « C’est parce que l’œuvre créatrice de David Wojnarowicz procède de toute sa vie qu’elle a acquis une pareille puissance. Alors que tout semble dit et redit, quelque chose émerge du chaos de David Wojnarowicz qui nous place devant notre responsabilité d’être pour quelque chose dans le cours du mouvement du monde. » En écho, à cette pensée, son attachement à la figure et à la poésie d’Arthur Rimbaud, qu’il figure dans une série photographique que l’on peut voir à Arles dans l’exposition « I’m a cliché » : une balade comme une fuite dans un New-York d’amour et de désolation, où l’artiste a pour la performance les traits grimés du poète français.

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Untitled (Buffalo), 1988-89 © David Wojnarowicz

David Wojnarowicz, in « I’m a cliché, échos de l’esthétique punk », exposition aux Rencontres d’Arles, ateliers SNCF, jusqu’au 19 septembre.

The estate of David Wojnarowicz / Gallery PPOW

Lea Golda Holterman : passions orthodoxes

Samedi 7 août 2010

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© Lea Golda Holterman

Avant-dernière station de notre virée arlésienne. Si vous avez vu le film « Tu n’aimeras point » de Haim Tabakman, vous y êtes. Jérusalem. Un monde d’hommes, entièrement tournée vers la religion, dont les rites s’ancrent dans une réalité quasi-millénaire. De jeunes juifs orthodoxes se baignent. Lea Golda Holterman, lauréate du Photo Folio Review and Gallery 2009, les saisit avant ou après le bain, au moment où ils ôtent ou retrouvent leurs sévères costumes et chapeaux noirs. Des garçons, adolescents ou jeunes adultes pour la plupart, en pareils situation et appareil, c’est déjà une gageure, pour une femme, qu’ils acceptent de poser devant son objectif mais la photographe, né à Tel Aviv en 1976, va plus loin. Elle parvient à pénétrer dans les maisons et dans les chambres pour photographier ces mêmes garçons dans un état d’abandon et de langueur qu’on imagine impossible pour eux. Ce sont alors des corps vibrants, sensibles qui se dessinent dans le creux d’une chemise entrouverte. Une exquise attitude, à la lisière du plaisir et plus encore du charme, que Lea Golda Holterman vole à ses monstres de rigueur. La pudeur demeure dans les regards, mais les corps, d’un geste, se libèrent. A peine croyable, car à peine crédible, mais pourtant réel, et partant bouleversant.

Lea Golda Holterman, Orthodox eros, Rencontres d’Arles, Espace Van Gogh, jusqu’au 19 septembre 2010.

Un nom à retenir : la photographe Jen Davis

Samedi 7 août 2010

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Mike, Del Rio, TX © Jen Davis / Lee Marks Fine Art (2008)

De tous les regards, jeunes mais pas toujours nouveaux, qui composent la nouvelle exposition « reGeneration 2 », produite par le Musée de l’Elysée à Lausanne et qui se baladera dans le monde entier cette année. Parmi tous ces regards, il y a bien sûr, une maîtrise certaine de la technologie : les participants sont pour la plupart issus d’écoles d’art ou de photographies. Du talent donc, mais aussi des répétitions, une absence totale et étonnante de toute provocation : pas de cri pas de révolte – ou alors, très low-profile –comme pour éviter tous les mirages des idéologies et des certitudes. Des têtes tournées, aussi loin, des réalités sociales, culturelles et politiques. Pas de tête brûlée, ni d’explorations sensibles ou outragées des corps et de la chair. Et vient l’émotion, la seule réelle, pour le travail de Jen Davis. Un cow-boy Malboro, stetson et chemise brokeback mountain, tatouage à l’avant-bras, la fumée de son clope en léger brouillard autour du menton. Fringuant comme un beau diable. D’instinct trompeur, on penserait une photographie prise par un homme, mais c’est pourtant bien le regard d’une femme. Une femme de désir – et qui le revendique. Jen Davis souffre d’obésité. Elle trimballe son corps et son cœur trop gros tout au long de sa courte activité photographique dans une série d’autoportraits pas commodes. Pour cette série « Exchange », traduit par « Je demande en échange », elle a photographié des hommes qu’elle désire et qu’elle n’oserait pas côtoyer en d’autres circonstances. La photographie devient alors arme de séduction et la possibilité fantasmée d’un échange « intime ». Et cette seule photographie de ce fameux cowboy dit beaucoup de la démarche puissante de Jen Devis. Un pas de côté sur le monde, une position d’outsider : comment ne pas être alors une artiste à part entière ?

Jen Davis est par ailleurs sélectionnée avec 10 autres « photographes de demain » pour le « Lacoste Elysée Prize », doté par la marque au crocodile de CHF 20 000.

Le site de la photographe Jen Davis.

Le site de l’exposition Regeneration 2 au Musée de l’Elysée et aux Rencontres d’Arles.

Leigh Ledare, nom d’un irrégulier !

Mercredi 4 août 2010

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Leigh Ledare © Greene Naftali Gallery, New York

Sa première exposition aux Rencontres d’Arles, à l’invitation de Nan Goldin (« il est prêt à explorer l’inconnu, à prendre des risques et à l’assumer »), n’avait laissé personne indifférent. Leigh Ledare est à nouveau à Arles cette année, avec le projet « Double Bind » qui poursuit et complète la découverte de son talent équivoque. Un dialogue d’images et d’archives tirées de magazines, un triangle d’amour perdu qui réunit dans une maison de campagne l’artiste, son ex-femme et son nouveau mari. L’ensemble a sa cohérence, teinté de bizarre et d’un exhibitionnisme foncier – sans pour autant avoir la force de ses travaux précédents qui mettaient l’artiste, né en 1976 à Seattle, ancien assistant de Larry Clark, en prise avec sa propre mère, ancienne danseuse devenue stripteaseuse, dans une relation violemment sexuée. Leur histoire est, il est vrai, peu banale. En 1998, Leigh Ledare retrouve sa mère après plusieurs mois de rupture. Elle l’accueille, nue, un jeune amant couché sur son lit. Une manière de lui signifier : « Accepte-moi telle que je suis ou adieu bye bye ». L’artiste y puise son inspiration : « J’ai alors commencé à prendre des photographies en réaction au fait d’avoir assisté à cette situation. »

Le site de Leigh Ledare.

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