Archive de la catégorie ‘Litterature’

Arnaud Cathrine : une vie de romans

Mercredi 3 août 2011

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François Sagan à toute allure © DR

« Je me levais, je me précipitais sur un whisky, je me précipitais dans ma jaguar, j’écrasais quelques personnes, j’allais déjeuner avec des … des je ne sais pas quoi, des comédiens, une bande de cloportes qui vivaient à mes crochets, chez Lipp ou dans un restaurant… Je repartais dans la voiture écraser quelques personnes, j’allais m’habiller chez je ne sais pas qui, chez Chanel, je ravageais le magasin, je payais tout rubis sur l’ongle en tirant des billets de ma poche, je rentrais chez moi avec une bande de nouveaux cloportes et je repartais dans la nuit semer la zizanie et la destruction, le whisky sur mes pas… »
Françoise Sagan citée par l’écrivain Arnaud Cathrine (Les yeux secs ; Sweet Home ; La disparition de Richard Taylor ; Le journal intime de Benjamin Lorca ; Frère animal, avec Florent Marchet ; Editions Verticales) dans son essai Nos vies romancées (Stock, à paraître le 14 septembre 2011), éloge plein d’allant de quelques-uns de ses écrivains de préférence : Carson McCullers, Fritz Zorn, Sarah Kane, Jean Rhys, Roland Barthes et naturellement Françoise Sagan, sa voisine de Normandie !

Au hasard Charles Henri Ford

Vendredi 22 juillet 2011

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Charles Henri Ford © Henri Cartier Bresson

Beauté ironique de cette photographie d’Henri Cartier Bresson, retrouvée dans le catalogue d’une exposition passée au San Francisco MOMA. L’insolence d’un bel irrégulier, Charles Henri Ford (19013 – 2002), poète, écrivain, photographe américain, figure du Tout-Paris artistique de l’avant-guerre avant d’en retourner vivre à New-York. Si Paris est une fête, il en fut, fréquentant Man Ray, Peggy Guggenheim et le salon de Gertrude Stein qu’on célèbre magnifiquement ces jours-ci à San Francisco dans une exposition impeccable « Seeing Gertrude Stein » au Contemporary Jewish Museum. On lui doit, entres autre, la revue surréaliste View aux contributeurs prestigieux : Masson, Picasso, Miller, Klee, Camus, Durrell, O’Keeffe, Borges, Miró, Calder, Chagall, Genet, Magritte, Dubuffet…

David Wojnarowicz : chambres séparées (2)

Dimanche 8 août 2010

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© David Wojnarowicz

David Wojnarowicz (1954-1992), de bruit comme de fureur. De lui, que sait-on vraiment ? Deux livres dont l’important « Au bord du gouffre » ont été réédités en 2004 aux Editions Laurence Viallet.
Enfant battu et maltraité, David Wojnarowicz s’enfuit à New York, découvre son homosexualité, vit dans la rue, subsiste grâce à la prostitution occasionnelle. Il traverse les États-Unis en auto-stop. Dans les années 80, il est de ces figures de l’East Village new-yorkais, reconnues pour ses talents multiples (photographe, vidéaste, peintre, sculpteur et écrivain, performer) mais si difficiles à définir. Touche-à-tout inspiré, son cri de rage et d’outrage contre le sida fera date.
On le découvre aussi dans les tableaux photographiques éblouissants de beauté de son compagnon Peter Hujar. Avec lui, il partage le goût de l’image et de la littérature… avec un engagement politique beaucoup plus fort, contestant les fondements de la société américaine. Le philosophe Félix Guattari le présentait ainsi : « C’est parce que l’œuvre créatrice de David Wojnarowicz procède de toute sa vie qu’elle a acquis une pareille puissance. Alors que tout semble dit et redit, quelque chose émerge du chaos de David Wojnarowicz qui nous place devant notre responsabilité d’être pour quelque chose dans le cours du mouvement du monde. » En écho, à cette pensée, son attachement à la figure et à la poésie d’Arthur Rimbaud, qu’il figure dans une série photographique que l’on peut voir à Arles dans l’exposition « I’m a cliché » : une balade comme une fuite dans un New-York d’amour et de désolation, où l’artiste a pour la performance les traits grimés du poète français.

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Untitled (Buffalo), 1988-89 © David Wojnarowicz

David Wojnarowicz, in « I’m a cliché, échos de l’esthétique punk », exposition aux Rencontres d’Arles, ateliers SNCF, jusqu’au 19 septembre.

The estate of David Wojnarowicz / Gallery PPOW

La Beat generation, loin du bout du rouleau

Jeudi 5 août 2010

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Peter Orlovsky et son amant Allen Ginsberg © DR

Le 21e siècle sera beat ou ne sera pas ! Impossible, ces jours-ci, de passer à côté de ce revival heureux de la Beat generation. Gallimard publie la nouvelle traduction de « Sur la route » de Jack Kerouac. Il s’agit du rouleau original, la première version écrite « d’un trait » par Kerouac, avant tripatouillage, coupe et censure de son éditeur lors de sa parution en 1957. De ce livre, fortement inspiré par la rencontre de Kerouac avec Neal Cassady « chauffard génial, prophète gigolo à la bisexualité triomphale, pique-assiette inspiré et vagabond mystique », Ginsberg écrira : « Quand tout le monde sera mort, le roman sera publié dans toute sa folie ». Kerouac, disparu prématuré à 47 ans, en 1969, Ginsberg en 1996, Peter Orlovsky, le 30 mai dernier, on peut désormais lire « Sur la route » dans toute sa folie, puis retrouve les mêmes dans le bel album « Beat memories », catalogue d’une exposition de photographies d’Allen Ginsberg à la National gallery of Art, documentant cette période entre New York et Tanger avec des portraits de William Burroughs, Gregory Corso, Francesco Clemente. Bientôt viendra aussi un film « Howl » de Rob Epstein (« The celluloid closet » et « The times of Harvey Milk ») et Jeffrey Friedman avec le sympathique James Franco. Qu’il soit l’occasion de relire « Howl et autres poèmes » de Ginsberg, paru à l’automne 1956 (Editions Bourgois). A sa publication, le recueil fut saisi par les services de douane américains et la police de San Francisco, puis fit l’objet d’un long procès au cours duquel un certain nombre de poètes et de professeurs témoignèrent devant la Cour que ce livre n’était pas obscène. L’époque, rassurons-nous, a bien changée…

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Aaron Tveit et James Franco dans « Howl » © Werc Werk Work

Beat memories, the photographs of Allen Ginsberg, National Gallery of Art, jusqu’au 16 septembre 2010.

M’as-tu vu ? Episode 54 (François Baudot)

Mardi 3 août 2010

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The Johnson twins at Warhol’s Factory © Billy Name / NYT Company

Deux images, des jumeaux pour saluer la mort voulue de François Baudot, dont certains se souviendront de quelques livres, d’une amitié fidèle avec BHL, Arielle Dombasle ou Carla Bruni, qui lui valut d’être bombardé inspecteur général au ministère de la Culture, sans considération de ses titres universitaires. Parlons plutôt d’une noblesse d’état, lui qui brilla tour à tour auprès de Fabrice Emaer au Palace ou d’Anne-Marie Périer-Sardou au magazine Elle. Cette vie-là, mauvaise et belle, donne aussi une juste autobiographie « L’art d’être pauvre », parue quelques mois avant son suicide aux éditions Grasset. Contre mauvaise fortune, François Baudot fit bon cœur d’être le bon homme au meilleur endroit d’une vie entre le New York vibrionnant des années 60 et les lumières d’un Paris 70 – 80. Ces années-là, il les conte avec assez de distance pour que son livre soit attachant. On y croise ainsi Bambou, Philippe Krootchey, Pierre et Gilles, Paquita Paquin, Philippe Starck et nos deux jumeaux : Jay Johnson initiera François à la vie new-yorkaise, Jed Johnson étant plus proche d’Andy Warhol et presque taulier de la légendaire Factory. Le dernier, décorateur par la suite, périra dans l’accident d’avion de la TWA au large de New-York, le premier en reprendra la charge. François Baudot regarde ce monde bouillant comme un volcan, danse toute la nuit durant et n’en revient pas d’en être. La fascination devient sur le tard mélancolie. On en connaît désormais la fin. Malheureuse.

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Jed and Jay Johnson © DR

François Baudot, L’art d’être pauvre, Grasset. En librairie.

Bloomsbury sans follies à la Piscine de Roubaix

Mardi 9 février 2010

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© DR / Gallimard

Ce qu’on s’ennuie à la Piscine de Roubaix au milieu des folies du Bloomsbury, le célèbre mouvement anglais du début du siècle dernier, dont Virginie Woolf et Lytton Strachey furent deux éminents représentants. Ils firent feu de tout bois, au service de l’art, de la littérature, de la peinture, du design, lors de mille et une conversations brillantes, happenings joyeux et transgressifs. Des maîtres rigoureux en fantaisie mais c’est fou ce que cette exposition en manque !

Le site du Musée La Piscine à Roubaix.

Daniel Cordier : haute mémoire de résistance

Samedi 8 août 2009

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Daniel Cordier © Ville de Lyon

Un homme, un seul homme. Daniel Cordier. Après avoir raconté les années de compagnonnage avec Jean Moulin, le résistant livre ses souvenirs dans un récit « Alias Caracalla » qui paraît dans la collection « Témoins » des Editions Gallimard. Témoins, la collection est bien chois »i pour ce monsieur délicat et précis. Il aime la vérité, se méfiant de l’approximation de la mémoire : « Depuis que je me suis mis à écrire sur Moulin, j’ai un rapport absolu à la vérité. L’idée même de mentir m’est insupportable. Mais c’est compliqué, la vérité » déclare-t-il dans un très beau entretien avec Thomas Wieder, journaliste au Monde.
La vérité, les vérités d’un homme. La vie, les vies d’un homme. Daniel Cordier est de cette lame. Je me souviens d’une rencontre avec lui près de Juan-les-Pins. Rapa Nui. Sa retraite paisible, propice aux souvenirs et à la mémoire. Il raconte, inlassable, cette vie-là, commencée paradoxalement du côté de l’Action française et de l’antisémitisme de « Décombres », le pamphlet de Lucien Rebatet. 1940 : l’un des premiers à dire non, engagement pour le salut de la Patrie, engagement dans la Résistance, Londres et ses rencontres avec Jean Moulin, Georges Bidault, Stéphane Hessel et Raymond Aron. Les survivants seront des amis pour la vie…
Après, cette vie-là, une deuxième s’ouvre à lui, il est galeriste à Paris, à New-York jusqu’en 1977, date à laquelle sa première vie le rattrape. Il part à la documentation, comme on part au combat, minutieux, clair, engagé. Une biographie de Moulin en quatre tomes comme la grande histoire de la Résistance. Aujourd’hui, le livre de toute sa vie, de toutes ses vies reste à publier : celle d’une dernière vie, aussi, qu’il ne craint de raconter : « Je suis homosexuel, et, même si je ne m’en suis jamais caché, je n’en ai jamais parlé. Là aussi, ce sont des choses difficiles à écrire, surtout pour un homme de ma génération. »

Daniel Cordier, Alias Caracalla, Gallimard, 2009.

Séraphine, la femme des bois

Dimanche 21 juin 2009

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Quelques mots pour revenir sur le talent merveilleux de Martin Provost. 2008 aura été son année : un récit « Léger, humain, pardonnable », paru au Seuil, finaliste du Prix Fémina et ce film, juste et sensible, Séraphine, multi-récompensé aux César. Martin Provost mène ainsi une double vie. Cinéaste et écrivain. Son récit a la même puissance que son film. Des mots pour une famille entre tourments et bonheurs d’être ensemble, un film sur une femme qui parle aux arbres, fait des bontés de la nature les couleurs de ses toiles. Aujourd’hui, on l’attaque. Irène Frain, plume de fiel, donne la charge dans Match : Alain Vircondelet, premier biographe de Séraphine de Senlis, dénonce un plagiat et sous-entend que Provost aurait repris des passages entiers de son travail pour le scénario. Le succès suscite toujours d’amères jalousies mais Martin Provost travaille déjà à son prochain film, une adaptation d’un livre magnifique : « Mauvaise pente » de l’irlandais Keith Ridgeway, avec toujours, Yolande Moreau…

Séraphine, un film de Martin Provost. (En DVD)

« Léger, humain, pardonnable » de Martin Provost (Editions du Seuil)

Hervé Guibert, journaliste intrépide

Samedi 22 novembre 2008

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Hervé Guibert © DR

Silence, puis de nouveau l’avalanche. Ce jeudi, Hervé Guibert faisait la une de deux des trois suppléments littéraires de la presse française. Dans « Libération », Philippe Lançon, fin analyste de la prose guibertienne, salue le talent du jeune journaliste Guibert à la faveur de la parution des « Articles intrépides » (Gallimard), recueil d’articles culturels publiés dans « Le Monde » entre 1977 et 1985 : « De Guibert, tout est là : une fantaisie précisée, cette phrase volante où les virgules rythment et innervent l’effort d’aimer, la morsure du regard sur le corps qui bouge, sécrète et se métamorphose, un goût de la vérité par excentricité des artifices et du spectacle, une passion légère pour les révérences de la mort. »
Nettement moins à l’aise, dans sa chronique du « Figaro littéraire », Yann Moix se prend les pieds dans le tapis de son admiration mais l’essentiel reste qu’à chaque nouvelle publication, la fascination pour Guibert, qu’il soit journaliste, écrivain, photographe, demeure. Espérons qu’il en soit ainsi longtemps et que ces articles « intrépides » et louangeurs permettent à Hervé Guibert de rencontrer de nouveaux lecteurs. On annonce pour 2009 la sortie en DVD de son film « La pudeur ou l’impudeur » (BQHL) et le coffret sonore du journaliste Vincent Josse « Hervé Guibert, l’écrivain photographe » (Naïve / Radio France) avec des textes de l’auteur lus par Jean-Louis Trintignant, Juliette Gréco, Cyrille Thouvenin et Anouk Grinberg.

Les articles intrépides, Hervé Guibert, Gallimard.

Le protocole rédactionnel, par Philippe Lançon, Libération, 20 novembre 2008.

Roberto Saviano : un Italien en danger

Jeudi 23 octobre 2008

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Roberto Saviano © DR

Il est l’auteur d’un livre important « Gomorra » (Gallimard) qui vient de recevoir à Francfort le prix 2008 de l’adaptation. Aujourd’hui l’Italien Roberto Saviano est menacé de mort par la mafia. « Pour la première fois de l’histoire de ce prix, nous avons décidé de récompenser non seulement le réalisateur, Matteo Garrone, mais aussi l’écrivain Roberto Saviano », ont indiqué les organisateurs dans un communiqué. Saviano, 29 ans, vit et souffre sous une protection policière permanente. Il a annoncé la semaine dernière qu’il envisageait de quitter l’Italie après l’annonce que le principal clan de la Camorra, les Casalesi, voulait le tuer avant Noël.

« Lettera alla mia terra », la lettre de Roberto Saviano publiée dans la Repubblica.

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