Archive de la catégorie ‘Danse’

Raimund Hoghe : le songe d’une nuit d’été

Samedi 31 juillet 2010

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© Rosa Frank

« Adieu / Si je meurs / laissez le balcon ouvert » (Federico Garcia Lorca)

Par temps de juillet, alors que commencent les festivals, il faut se résoudre aux navettes. Celles qui conduisent, à l’aller, un petit cercle impatient, au retour, des commères vachardes ou exaltées, vers toutes sortes d’infrastructures culturelles, décentralisées dans des carrières, parcs et autres banlieues. Des plus grises au plus verdoyantes. Il en était ainsi à Montpellier, en direction du Théâtre de Grammont, devenu concession exclusive des spectacles réactionnaires de Jean-Marie Besset par la bonne grâce d’un ministre très consentant. Nous allions donc, tous ensemble, alertes en cette première estive, découvrir le nouveau spectacle de l’allemand Raimund Hoghe, dans le cadre d’un hommage du festival Monptellier Danse au regretté Dominique Bagouet, mort des suites du SIDA en 1992.
Un spectacle de danse dans un festival de danse par l’ancien maître de dramaturgie et scénographe de feue Pina Bausch ? Rien que de plus élémentaire. Et pourtant, Raimund Hoghe, entouré d’une dizaine de danseurs et interprètes dont Lorenzo De Bradandere, Astrid Bas et Emmanuel Eggermont, nous a donné du théâtre – et de la meilleure qualité. Une pièce plus qu’à danser, une pièce dramatique d’un auteur au meilleur de son talent. Tout un monde refermé dans un poing, ramassé en quelques pas virtuoses qui saluent un maître, Bagouet, mais marquent aussi toute la puissance du travail de Raimund Hoghe.
Ce long et beau spectacle est le songe d’une nuit d’été. D’une lamentation pour un défunt, de jeunes destins fauchés au milieu des années 80, Hoghe fait un cri d’espérance et son arme : « Dans ces premières années où la maladie frappait, je suis devenu de plus en plus conscient de la valeur de la vie, que nous devions vivre notre vie et en être heureux car elle pouvait finir plus vite que prévu ». A cette danse-là, Hoghe entraîne des auteurs et des musiciens : Bach, Purcell, Saint-Saëns, Lorca, Duras, Heine. Et des voix : la Callas, la Magnani, Reggiani, Dietrich ou Klaus Nomi. Sans oublier, émouvants, la voix et les mots d’Hervé Guibert.
Au retour, en navette, on entendra certains se lamenter de n’avoir pas vu assez de danse. Dommage pour eux, cette belle chanson triste qui se danse était le plus poétique des hommages rendus à Dominique Bagouet, idéal pour transmettre longtemps sa mémoire et méditer son parcours. Raimund Hoghe sera l’artiste associé de l’édition 2011 du festival Montpellier Danse.

Si je meurs laissez le balcon ouvert », un spectacle de Raimund Hoghe. En tournée dans toute la France

Jérôme Bel : et le beau diable en rit encore…

Vendredi 11 juin 2010

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© DR

La pièce, de danse, avait fait scandale à sa création en 1991. Près de 10 ans plus tard, à voir et entendre le charivari dans la salle du Théâtre de la Ville, dont on sait pourtant la résistance du public, bien que fort conventionnel et grégaire, à toute sorte de tentative d’épuisement du spectateur parisien, on se dit que Jérôme Bel doit encore en rire et être heureux que son « bon coup » fonctionne encore à merveille. Des cris, des hurlements, des apostrophes populistes, des « remboursez » et des « ta gueule » en réponse, sans oublier la rituelle « prise d’otage » des belles âmes de la culture élitiste pour tous. Contre quoi ? Une adorable dance party, où un DJ d’un certain poids s’emploie à faire tourner toute sorte de rengaines pop qui électrisent ou consternent l’assistance. Sur scène, on y chante, on y danse. Non sans une certaine rigueur, Ballet de l’Opéra de Lyon oblige. On reconnaît le délicieux Cédric Andrieux, échappé lui aussi de son très beau solo de l’automne. De la non-danse, on vous dit, alors il ne fallait pas s’attendre à autre chose de cela. Des manières de voyou, dominées par une exquise conscience de sa race. N’est pas Jérôme Bel qui veut.

The show must go on, ms Jérôme Bel avec le Ballet de l’Opéra de Lyon.

Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux…

Dimanche 30 mai 2010

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La confidence aux oiseaux © Théâtre Chaillot

On s’en faisait une chose de découvrir, enfin, le spectacle animalier de Luc Petton. Las, un trop grande espérance et autant d’ennui à la sortie. La volière fait des miracles, mais les danseurs, porte-oiseaux, d’un terne, s’adonne à une mélancolie zen qui ne convainc pas. Sans doute sommes-nous passés à côté de cette exquise beauté glacée…

La confidence aux oiseaux, un spectacle de Luc Petton, Théâtre Chaillot, jusqu’au 30 mai.

DeLaVallet Bidiefono : faut que ça danse !

Samedi 3 avril 2010

Quelques pas de danse africaine qui nous réveillent ! Créteil, Festival Exit ! On y va pour un spectacle iranien, finalement sans relief et on en repart content de la découverte de la compagnie congolaise Baninga / DeLaVallet Bidiefono. Cinquième création pour DeLaVallet Bidiefono, qui entend « au cœur de la nuit brazzavilloise, redonner une parole à cette jeunesse de la galère qui s’est faite, pour ainsi dire, contre et malgré tout, et qui aujourd’hui vit comme une sorte d’impératif le besoin de marquer, de poser une empreinte, parce qu’il y a urgence à faire plutôt qu’à dire. Une urgence toute vitale à redonner du sens. » Et c’est exactement ce que l’on voit sur scène, avec une belle modestie mais une énergie bienvenue.

Empreintes / on posera les mots après, par la compagnie Baninga / DeLaVallet Bidiefono. En tournée française.

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© Patrick Fabre

H. Bouchelaghem : entrée en religion hip hop

Mercredi 31 mars 2010

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Hicham Bouchelagem © Frédéric Iovino

Il y a des mondes inconnus. Celui du hip hop en est un. Comment dire, à voir Hicham Bouchelagem se produire sur la petite scène de Chaillot, sa puissance d’expression ? La voix, les mots de Carolyn Carlson flottent avec lui, merveilleux, dans l’air. Alors, à tâtons, saluer l’éclosion d’un talent qui transforme ce hip hop, parfois décrié, en danse comme classique. Temps fort hip hop sur la colline de Chaillot. Pierre Rigal et Hicham Bouchelagem à l’affiche. Petits canards des faubourgs et de province éloignée devenus cygnes des théâtres parisiens, élégance du geste, intelligence du propos et de la sensation. Fusion de la performance et de la danse, teintée du poème d’un monde en fureur. Il sont garçons, filles, d’ici comme d’ailleurs, yeux blonds, grand black, petit frisé, gauloise énergique. Et ce monde-là, cette danse-là, ravit parce qu’elle est vitale pour chacun d’eux. Cette expression artistique nous saisit alors, sans qu’on en ait les codes. On la comprend, la chanceuse, elle est universelle.

Pierre Rigal, Asphalte.
Hicham Bouchelagem, What did you say ?
En tournée en France.

Son nom est Cédric Andrieux. Il danse.

Dimanche 27 décembre 2009

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© Théâtre de la Ville

On aura dansé tout l’automne (de belle manière, dans « La belle », ce conte raconté de traviole par Nasser Martin-Gousset comme un demy-divertissement assez heureux, plus hermétiquement à Gennevilliers avec Raimund Hoghe et Faustin Linyekela dans une partition « Sans titre », nouveau duo amoureux du chorégraphe allemand pour un danseur, Faustin prenant la place de l’adoré Lorenzo de Brabandere) et quand la bise fut venue, on aura vu le plus beau spectacle de cette saison au Théâtre de la Ville. Dans un théâtre comble, dans le cadre d’un hommage distancé à Merce Cunningham, un homme s’est avancé. Il a posé son sac et sa bouteille d’eau. Il n’a pas commencé par danser. Non, il a raconté. Son enfance à Brest. Sa mère. Ses cours de danse. Ses auditions au Conservatoire. Ses études. New-York. L’audition chez Merce. La difficulté du travail, les répétitions, l’ennui. L’amour d’un garçon, puis d’un autre, Gordon, le départ de New-York, la rencontre avec Jérôme Bel et le voici sur ce plateau. Cette belle autobiographie, aux mots justes, est par instants éclairée de quelques pas de danse, empruntés à différents chorégraphes. Le danseur s’appelle Cédric Andrieux et il donne son nom à ce spectacle divin, applaudi à tout rompre par une salle émue.

Dita von Teese en revue à Paris

Dimanche 20 septembre 2009

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Dita de retour à Paris © DR

Est-ce la crise financière et ses dommages collatéraux qui poussent Mademoiselle von Teese à quitter les belles demeures des Champs-Elysées pour s’encanailler dans les maisons borgnes des boulevards ? On cherche encore la raison. Survendu comme l’événement de la rentrée burlesque, le Casino de Paris affiche pour la première fois depuis des temps très anciens une revue, mise en scène par Philippe Calvario. Le résultat est indigent, vulgaire et sans hauteur mais, étrangement, le public est là. Il attend les deux shows de Dita von Teese qui illuminent le plateau laissé deux heures durant à des strip-teaseuses, comiques, performers, chanteuses de deuxième zone… Arrive Dita et s’ouvre une parenthèse enchanteresse : d’abord, le cultissime « Be Cointreau-versal », mariage de raison entre la célèbre marque et l’effeuilleuse qui patauge allègrement dans un long verre de cocktail. Une heure, l’entracte passent et pour la première en Europe, Dita von Teese présente son nouveau numéro « Opium Den » sur un air shangaïsé des Cure. Un péché mignon d’une dizaine de minute, scintillant de brillants Swarovski, glamour à mort…

Angelin Preljocaj perd l’équilibre

Samedi 19 septembre 2009

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© DR

C’était le spectacle de rentrée attendu de tous. Le parterre du Théâtre des Abbesses comptait au soir de la première tous les hérauts de la nomenklatura culturelle française et parisienne. Un solo de Preljocaj, dansé par le chorégraphe sur des accords de Genet, on attendait le plus exquis. La déception est grande. Le spectacle ne prend pas, plombé par une pesante scénographie de rouleaux de papier, fragilisé par la diction balbutiante du danseur et une chorégraphie anémiée. Le funambule, l’un des plus beaux textes de Jean Genet, perd ainsi tout écho et c’est triste.

En tournée dans toute la France.

Le fier engagement du DV8 Physical Theatre

Vendredi 24 octobre 2008

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To be straight with you © Matt Nettheim – DV8

Il se joue pour une soirée encore sur la scène de la Maison des arts de Créteil l’un des plus beaux spectacles de danse et de théâtre mélangés de cette saison. Le britannique Lloyd Newson et sa très performante troupe du DV8 Physical Theatre donne « To be straight with you », un spectacle en forme de manifeste anti-homophobie, fruit de la recension de nombreux témoignages de personnes victimes de leur sexualité. Qu’ils soient de Jamaïque ou de Trinidad, médecin en Irak, rabbin ou imam, quidams saisis au hasard d’un micro-trottoir, ils sont les témoins dansés de cette pièce chorégraphique qui offre un formidable état du monde de l’intolérance sexuelle. Un tract ? Non, mieux que cela : un spectacle majeur, au cordeau qui se pare de la technologie la plus aboutie pour dénoncer et rêver d’un monde meilleur sans la moindre candeur. Implacable et salutaire. 80 minutes d’une intensité rare.

To be straight with you, Lloyd Newson, Maison des arts de Créteil, jusqu’au 25 octobre 2008.

A l’ombre de Nasser Martin-Gousset…

Samedi 18 octobre 2008

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© DR

C’est à une toute petite comédie que nous convie le génial Nasser Martin-Gousset, nous qui avions été sidérés par son « Péplum » de légende qui nous faisait découvrir Olivier Dubois dans un rôle de Néron magnifique. Entre cinéma et chorégraphie, fortement inspiré par Blake Edwards, Nasser Martin-Gousset nous offre une soirée en demi-teinte, portée son indéniable talent, mais limitée par la reproduction à l’infini d’un même dispositif. Le public rit, semble enchanté. On aimerait que la troupe nous emporte plus loin, du côté de cet incroyable théâtre d’ombre qui partage les deux parties du spectacle.

Nasser Martin-Gousset, Comedy. En tournée dans toute la France.

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