Les celles qui f’saient florès / En robe de Dior et sac d’Hermès / Rangées dans l’musée Grévin / Du ciné-club ou de Sam Levin / Regrettent au temps joli / Du poivre et sel et du bigoudi / De ne pas avoir appris / La cuisine / Qui retient les petits maris / Qui s’débinent…
La chanson de Gréco va comme un gant (de cuisine ?) au petit film charmant de la scénariste Nora Ephron (« Quand harry rencontre Sally », « Le mystère Silkwood »). Deux femmes, deux couples en parallèle, deux histoires d’amour en temps incertains, les sombres années du maccarthysme et l’après 11 septembre. Des temps à se protéger au coeur de la vieille Europe gastronome et bourgeoise, des jours à se recroqueviller dans le nid familial, loin de Manhattan et de l’hystérie de ses anciennes copines de classe, devenues d’affreuses executive-women.
Julia, c’est Julia Child, la grand-prêtresse du « boeuf bourguignon » et auteur d’un classique de la littérature gastronomique américaine « Mastering the Art of French Cooking ». Femme de diplomate, sans enfant, Julia aime la bonne chère et le vin. Quand elle arrive à Paris, sur les marchés, c’est un ravissement des sens. L’ennui lui fait prendre des cours de cuisine et elle devient vite un drôle de marmiton, désossant un canard ici, ébouillantant des homards là, jusqu’à se lancer avec Simone Beck et Louisette Bertholle dans la rédaction d’un guide de cuisine française pour les femmes américaines, qui, après mille vicissitudes, deviendra un best-seller. A New-York, en 2002, Julie se bat avec elle dans une vie bien rangée. Fonctionnaire au service des victimes du 11 septembre, un mari aimant et journaliste à « Archéologie magazine », elle bovaryse un max et se lance, sous l’influence « télépathique » de Julia, dans l’écriture d’un blog culinaire. Un tour de force, digne de Phileas Fogg : les 524 recettes du guide de Julia Child en 365 jours, et autant de haut comme de bas dans sa vie quotidienne dans le Queens…
Tout ira qui finira bien, naturellement. Nora Ephron signe un film au scénario parfaitement huilé, sans doute même un trop. La mise en scène s’efface au profit des numéros des acteurs : Meryl Streep, too much, retrouve un Stanley Tucci impeccable. Amy Adams comme Chris Messina tiennent leurs rôles avec constance. Si on se laisse prendre jusqu’à la ronde des desserts, le film a son charme, mais d’autres, sans doute, le trouveront indigeste. Une affaire de goût…
Julie & Julia, un film de Nora Ephron (2h03). En salles.