« Hauts murs, comme un linceul, m’ensevelissent ». La furie Pippo Delbono en ouverture d’Evento hier soir à Bordeaux. Sublime, fragile et maladroit parfois, mais tellement beau quand il cite Rimbaud, Pasolini, enflamme et rallume en plein nuit la place de la Comédie. Le public de notables bordelais (les ministres Juppé et Mitterrand compris), inculte à force de conventions, fuit. Restent sur la place les « cultureux » comme le dit ce matin une abrutie de Sud Ouest. Fallait pas l’inviter, le Delbono ! Il ne faut pas demander aux artistes d’être sage, plus encore quand on leur donne Carte blanche et qu’on se targue de défendre l’art contemporain…
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Archive de la catégorie ‘Art’
Pippo Delbono : une terrible beauté est née
Vendredi 7 octobre 2011Sam Wagstaff, un portrait d’or et d’argent
Samedi 7 août 2010Un homme, un portrait. Sam Wagstaff, un collectionneur. Si le portrait documentaire que lui a consacré James Crump en 2007 associe, marketing oblige, le nom de Robert Mapplethorpe, Sam Wagstaff (1921 – 1987) se défend très bien tout seul. Un homme, élevé dans les meilleurs cercles new-yorkais, un de ces « mad men » de la publicité, qui envoie tout valser pour reprendre des études d’arts à New-York et devenir, avec l’aide de sa famille, l’un des tout premiers collectionneurs de photographies au monde (Carroll, Le Gray, Weston), formant ainsi un des premiers « goûts » pour ce nouvel art. D’homme sérieux, ancien combattant sur les plages d’Omaha Beach en 1944, Sam Wagstaff, au contact des artistes et des photographes qu’il admire, en devient extravagant, assumant ses choix artistiques (Agnes Martin, Tony Smith et les tenants de l’art minimal) autant que sexuels. Avec Robert Mapplethorpe, rencontré en 1972, il formera l’un des couples les plus en vue de l’art contemporain, le premier manipulant l’autre pour leur plus grand plaisir mutuel, avant que la vie, d’abord, puis la maladie ne les séparent. Sexe, drogue, toutes les libertés sont admises dans ces insolentes années 70. En 1984, Sam Wagstaff cède sa collection de plus de 30 000 images au J. Paul Getty Museum pour 5 millions de dollars et se consacre à une nouvelle collection d’argenterie. Tout le profit, contesté par la sœur du collectionneur, sera à sa mort en 1987 pour Robert Mapplethorpe et quelques années plus tard pour la Robert Mapplethorpe Foundation. Une vie de dévotion aux artistes.
Brooklyn Museum : Andy Warhol for ever
Jeudi 5 août 2010
Andy Warhol, Self-Portrait (Strangulation), 1978 © 2010 The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts/Artists Rights Society (ARS), New York
Basquiat toujours, mais par bande. Celle, folle, furieuse mais hautement avisée, emmenée par Andy Warhol. Il y a, pour lui comme pour les autres, une fin à tout. Celle d’Andy Warhol, mort à 58 ans en 1987, fait l’objet d’une belle exposition au Brooklyn Museum. On découvre les derniers travaux d’un homme devenu une icône, entouré d’un cour, entretenue à coup d’émissions de télévision, de journaux (Interview) et de prestations plus ou moins rémunératrices avec les belles fortunes de son temps. L’usine de recyclage tourne à plein régime avec des sérigraphies sans attrait (American Indians, Athletes, Torsos, Portrait of the Jews of the 20th Century, Dollar signs, Guns, Knives), mais quelle place reste-t-il pour l’art « quand on a tout connu » ? La question est posée, la réponse du Brooklyn Museum est plus qu’intéressante, marquant le retour du Pop Artist à la peinture manuelle (notamment dans ses multiples recherches pour « Last Supper » et ses collaborations avec Jean-Michel Basquiat ou Francesco Clemente) et une relative abstraction, exemplaire dans sa série « Oxydations » réalisée par la projection d’urine sur des plaques de métal. Le résultat est stupéfiant. Certains disent y retrouver le talentueux Andy Warhol des débuts, sa sensibilité de peintre et d’artiste, bien que ces quelques 45 œuvres représentent moins 1% de la production d’Andy Warhol sur les dix dernières années de son existence. The show must go on !
© Andy Warhol Foundation for the visual arts
Andy Warhol, The last decade, Brooklyn Museum, jusqu’au 12 septembre 2010.
Andy Warhol, Outside His Comfort Zones, par Roberta Smith, New York Times, 18 juin 2010
Intensément Basquiat
Mercredi 4 août 2010
Riding with death, 1988 © Collection privée / 2010, Prolitteris, Zürich.
Basquiat comme jamais. Intensément servi par la Fondation Beyeler de Bâle. Dans ce musée de verdure, à quelques encablures de la frontière allemande, un trésor est à la portée de tous les yeux, celui, total de Jean-Michel Basquiat (1960-1988). En plus de cent cinquante toiles, dessins, assiettes et autres portes ou châssis tendus de toiles – tout, des premières grafs jusqu’à la complicité artistique avec Keith Haring et Andy Warhol, trouve son ordonnance éclatante dans cette exposition qui fera date. Intelligence de la scénographie, précision d’expert sur les engagements (le rejet de la société de consommation, la lutte contre les inégalités et le racisme, les hérauts de la cause noire qu’ils soient hommes ou femmes politiques, sportifs ou artistes) mais aussi la technique du plasticien, compréhension et analyse de ses multiples repentis qui font de la peinture de Basquiat un art extrêmement précis et raisonné. Une belle exposition qui fait son chemin et ne vous perd pas en route. On croit connaître Basquiat, on le découvre, en fait. Tout en subtilité et en poésie, lui le grand admirateur des poètes beat, William Burroughs et Brion Gysin en tête. Et l’exposition vous laisse en une dernière station devant les ultimes travaux de l’artiste haïtien, mort d’overdose en 1988, à 27 ans, laissant derrière lui une œuvre de près de 1000 tableaux et de 2000 tableaux. Basquiat voit la mort en face, la guette, la sait en embuscade, l’écrit en une obsession de métaphores (« MAN DIES ») et la dessine, tentant de la terrasser. Une image sainte.
© Basquiat Estate
Felix Gonzalez-Torres : recouvrez-le de lumière
Mercredi 4 août 2010
Untitled (Perfect Lovers), 1991 © FGT Foundation / Courtesy Andrea Rosen Gallery.
Naissance d’une vision. Tremblement de beauté, ivresse de la découverte d’un artiste dont les signes autant que les oeuvres bouleversent. Felix Gonzalez-Torres. Cubain, on pourrait commencer par cela. Né en 1957 à Guaimaro. Exilé en Espagne, puis à Puerto Rico et aux Etats-Unis, poursuivant des études de photographie avant d’enseigner à New-York. Artiste, plasticien, concepteur d’installations minimales dont la beauté, la radicalité, l’intelligence et osons-le, une forme délicate de romantisme soulignent plus encore la tristesse de le savoir mort des suites du SIDA en janvier 1996. Force de la lumière, plaisir du jeu. De lui, au hasard de la collection Beyeler, flambante de ses Picasso, Giacometti, Bacon, Richter, nous découvrirons deux ou trois tas de bonbons, emballages transparents ou arc en ciel de couleurs métalliques, des horloges jumelles qui finiront bien à un moment par perdre le même tempo. Un secret : celui d’un petit mouchoir paternel, posé à même le sol et recouvert, encore, de quelques friandises. Plus loin, un splendide gaillard noir, écouteurs sur les oreilles, slip d’argent, dansant au son d’une techno de bazar. En chair et en os. On ne sait jamais à quelle heure, il viendra, mais il reviendra. Et comme une chapelle ardente, au sous-sol, ce gigantesque tapis de confiserie d’argent et une lumineuse guirlande d’ampoules. C’est un tour, le mien, dans l’exposition Felix Gonzalez-Torres à la Fondation Beyeler. Il y en a mille autres, dans un dialogue permanent et fécond entre les oeuvres du musée et les créations de Gonzalez-Torres. Ce presque rien, cet art pauvre est un tout face à ses oeuvres majestueuses. Une écriture radicale pour un projet artistique d’une cohérence parfaite, qui naît, disparaît, réapparaît sans cesse et nous touche au coeur.
Felix Gonzalez-Torres © DR
Haunted : pour Sarah Anne Johnson
Mercredi 28 juillet 2010Une exposition « Haunted » au Musée Guggenheim de New York qui se voudrait au-dessus de la mêlée et pleine de fantômes. On y trouve seulement la monotonie artistique et mondaine de notre temps (Marina Abramović, Bernd et Hilla Becher, Sophie Calle, Tacita Dean, Stan Douglas, Felix Gonzalez-Torres, Roni Horn, Zoe Leonard, Robert Rauschenberg, Cindy Sherman, Hiroshi Sugimoto, Jeff Wall, and Andy Warhol). Honnête mais peu séduisante. On circule, en éveil, dans le cylindre magique de M. Frank Lloyd Wright et on tombe en arrêt devant la série d’images « Tree planting » de la canadienne Sarah Anne Johnson. Un ton juste, fait de prises de vues réelles et de personnages de pâte à modeler. Une violence sourde, sale et parfois sexuelle, à raconter une initiation au monde adulte, au temps du travail. Beau et brut.
Haunted, Guggenheim New York, jusqu’au 6 octobre 2010.
© Sarah Anne Johnson / Stephen Bulger Gallery
Robert Mapplethorpe comme personne
Samedi 24 juillet 2010
Parrot Tulips © Robert Mapplethorpe Foundation
Au risque de me répéter, il faut avoir vu cela. La beauté. Vénéneuse. La révélation du monde. Que sa part soit sombre, peu importe. Ce qui compte, simplement, est que nous puissions encore, toujours et partout, génération après génération, découvrir les images du photographe américain Robert Mapplethorpe (1946 – 1989), loin du scandale et de la vaine censure. Sans autre justification que leur « stricte nécessité artistique ». Telles que les présente le commissaire de cette remarquable exposition Werner Lippert.
Les photographies du new-yorkais Robert Mapplethorpe se déploient aujourd’hui au NRW-Forum de Düsseldorf. Elle peut être longue la route jusque-là mais quelles visions elle procure. Toute la force concentrée d’un regard unique, tendant par sa cohérence à l’universel. Fleurs et sexes masculins, hommes noirs, femmes blanches, admiration des corps vivants et sous tension – une vidéo intéressante, en fin de parcours, laisse témoigner trois de ses body-models dont Lisa Lyon et Ken Moody –, fascination de la mort faisant partout chemin, sadomasochisme en école de la délicatesse comme la décrivait Michel Foucault à Hervé Guibert. Des images connues, revues, sans doute mais sans jamais lasser. Reviennent encore, merveilleux, quelques polaroids, l’autoportrait à la tête de mort et des portraits (Burroughs à la carabine, Andy Warhol, Isabelle Rossellini, Debbie Harry), le fameux american flag en lambeaux… Sans oublier une heureuse section consacrée à sa relation avec la chanteuse Patti Smith, photographiée, aimée comme personne. On annonce à la rentrée son document « Just kids » aux Editions Denoël, le livre qu’elle s’était promis d’écrire sur leur aventure. On y reviendra.
Robert Mapplethorpe, NRW-Forum, Düsseldorf, jusqu’au 15 août 2010.
Les Lalanne aux Arts déco, l’expo pas si bête !
Dimanche 4 juillet 2010
© Claude et François-Xavier Lalanne
On y a cavalé, au dernier jour, à l’heure de la fermeture pour constater que le truculent travail de Claude et François-Xavier Lalanne n’avait pas pris une ride. Moutons, singes, rhinocéros, ânes, chameaux, crapaud, hippopotames, chats, et je n’oublie pas, le fameux homme à tête de chou : un vrai bestiaire, mêlé de feuilles d’or et de bronze, sculpté avec une élégance et une fantaisie rares. On a l’air de plaisanter, mais tout cela est très sérieux, vieillissant sans faute de goût, ni consternation pour des foucades qu’on imaginerait volontiers d’une autre époque, celle des Rothschild, Noailles et autres Saint Laurent.
Les Lalanne, deux sculpteurs au musée des Arts décoratifs (compte rendu).
L’atelier sans vie de Monsieur Freud
Vendredi 2 juillet 2010
Leigh on a green sofa, 1993 © Lucian Freud
On aurait tellement aimé le choc. Et rien, juste rien, tellement la scénographie de cet atelier de Lucien Freud au Centre Pompidou a paru sommaire. Lucian Freud à Beaubourg, on s’en réjouissait d’avance ! De voir, enfin, rassemblés chacun de ses tableaux disséminés dans les expositions du monde entier ou découvert, dans le recueillement, à la National Portrait Gallery de Londres. Ici, rien de religieux, vraiment rien. De la chair exposée sans discernement. Il faut que le talent de Lucian Freud soit immense pour sortir, indemne, de ce funeste traquenard.
L’enchantement Pascale Marthine Tayou
Lundi 28 juin 2010On l’avait repéré lors des deux dernières Biennales de Venise, l’équipe de la Gare Saint-Sauveur lui a donné à Lille un terrain de jeu favorable à l’expression de son beau talent. Le plasticien camerounais Pascale Marthine Tayou compose de mille fils tissés les uns aux autres, un monde africain, concret mais rêveur, puissant d’évocation, de songes et de peurs terribles. De bric, de broc, en rafistolage et récupérations, tout un monde apparaît, disparaît, à mesure qu’on se familiarise à cette forêt de carcasses de voitures, de sacs plastiques ou de boîtes alimentaires : « la chanson sourde d’une histoire d’amour entre hommes dans le grand lit d’une aventure imaginaire à inventer in livre et in situ ». Croyez-le, le nom du monde de Pascale Marthine Tayou est magie !
Traffic jam, une exposition de Pasacle Marthine Tayou, Gare Saint-Sauveur (compte-rendu)