« Adieu / Si je meurs / laissez le balcon ouvert » (Federico Garcia Lorca)
Par temps de juillet, alors que commencent les festivals, il faut se résoudre aux navettes. Celles qui conduisent, à l’aller, un petit cercle impatient, au retour, des commères vachardes ou exaltées, vers toutes sortes d’infrastructures culturelles, décentralisées dans des carrières, parcs et autres banlieues. Des plus grises au plus verdoyantes. Il en était ainsi à Montpellier, en direction du Théâtre de Grammont, devenu concession exclusive des spectacles réactionnaires de Jean-Marie Besset par la bonne grâce d’un ministre très consentant. Nous allions donc, tous ensemble, alertes en cette première estive, découvrir le nouveau spectacle de l’allemand Raimund Hoghe, dans le cadre d’un hommage du festival Monptellier Danse au regretté Dominique Bagouet, mort des suites du SIDA en 1992.
Un spectacle de danse dans un festival de danse par l’ancien maître de dramaturgie et scénographe de feue Pina Bausch ? Rien que de plus élémentaire. Et pourtant, Raimund Hoghe, entouré d’une dizaine de danseurs et interprètes dont Lorenzo De Bradandere, Astrid Bas et Emmanuel Eggermont, nous a donné du théâtre – et de la meilleure qualité. Une pièce plus qu’à danser, une pièce dramatique d’un auteur au meilleur de son talent. Tout un monde refermé dans un poing, ramassé en quelques pas virtuoses qui saluent un maître, Bagouet, mais marquent aussi toute la puissance du travail de Raimund Hoghe.
Ce long et beau spectacle est le songe d’une nuit d’été. D’une lamentation pour un défunt, de jeunes destins fauchés au milieu des années 80, Hoghe fait un cri d’espérance et son arme : « Dans ces premières années où la maladie frappait, je suis devenu de plus en plus conscient de la valeur de la vie, que nous devions vivre notre vie et en être heureux car elle pouvait finir plus vite que prévu ». A cette danse-là, Hoghe entraîne des auteurs et des musiciens : Bach, Purcell, Saint-Saëns, Lorca, Duras, Heine. Et des voix : la Callas, la Magnani, Reggiani, Dietrich ou Klaus Nomi. Sans oublier, émouvants, la voix et les mots d’Hervé Guibert.
Au retour, en navette, on entendra certains se lamenter de n’avoir pas vu assez de danse. Dommage pour eux, cette belle chanson triste qui se danse était le plus poétique des hommages rendus à Dominique Bagouet, idéal pour transmettre longtemps sa mémoire et méditer son parcours. Raimund Hoghe sera l’artiste associé de l’édition 2011 du festival Montpellier Danse.
Si je meurs laissez le balcon ouvert », un spectacle de Raimund Hoghe. En tournée dans toute la France