Isabelle Huppert © Wild Bunch Distribution
On sait mes faibles dispositions à endurer les gesticulations de Mme Huppert. Sa rencontre en Sainte Trinité avec Claire Denis, Marie Ndiaye laissait présager le pire. La presse était respectueuse, sans enthousiasme, micro tendu sans évanouissement, ni pâmoison. On allait voir. Disons le d’emblée : ce « White material » – étrangement déjà le nom du projet que Claire Denis préparait avec Bernard-Marie Koltès avant sa mort – est à tout le moins sensationnel. Claire Denis signe son film le plus intéressant depuis plusieurs années. Sans manière, sans explication, sans afféterie stylistique, sans pose. Le coeur de l’Afrique bat, coule dans les veines de ce film et les acteurs, toujours délicatement mis en « condition », en sont la pulsation visible. Huppert, d’abord, Huppert d’accord mais aussi le furieux Nicolas Duvauchelle en fils de famille flingué, Christophe Lambert en pleine résurrection, Michel Subor comme échappé d’un « Apocalypse Now » africain.
Quelque part en Afrique, dans une région en proie à la guerre civile, Maria refuse d’abandonner sa plantation de café avant la fin de la récolte. Terre rouge d’Afrique, comme sentier de guerre et de résistance, hommes et femmes en rebélllion, armés jusqu’aux dents, tête de mouton égorgé qu’on jette dans les sacs de café en signe de défiance, métamorphose canine. Naissance d’un Afrique fantôme. Le domaine est bientôt la proie des flammes. Il faut fuire. Dans cette fuite, les réminiscences d’une vie de labeur, un goût du travail sur cette terre fragile forment un superbe chant funèbre, un adieu à l’Afrique d’une femme, à jamais bouleversée par ce continent.
White material, un film de Claire Denis, avec Isabelle Huppert, Nicolas Duvauchelle, Christophe Lambert, Isaach de Bankolé. En salles (1h42).
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