Archive pour mars 2010

H. Bouchelaghem : entrée en religion hip hop

Mercredi 31 mars 2010

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Hicham Bouchelagem © Frédéric Iovino

Il y a des mondes inconnus. Celui du hip hop en est un. Comment dire, à voir Hicham Bouchelagem se produire sur la petite scène de Chaillot, sa puissance d’expression ? La voix, les mots de Carolyn Carlson flottent avec lui, merveilleux, dans l’air. Alors, à tâtons, saluer l’éclosion d’un talent qui transforme ce hip hop, parfois décrié, en danse comme classique. Temps fort hip hop sur la colline de Chaillot. Pierre Rigal et Hicham Bouchelagem à l’affiche. Petits canards des faubourgs et de province éloignée devenus cygnes des théâtres parisiens, élégance du geste, intelligence du propos et de la sensation. Fusion de la performance et de la danse, teintée du poème d’un monde en fureur. Il sont garçons, filles, d’ici comme d’ailleurs, yeux blonds, grand black, petit frisé, gauloise énergique. Et ce monde-là, cette danse-là, ravit parce qu’elle est vitale pour chacun d’eux. Cette expression artistique nous saisit alors, sans qu’on en ait les codes. On la comprend, la chanceuse, elle est universelle.

Pierre Rigal, Asphalte.
Hicham Bouchelagem, What did you say ?
En tournée en France.

M’as-tu vu ? Episode 46 (Album de famille)

Mardi 30 mars 2010

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Le couple Martin © DR

Ne passons pas à côté des plaisirs simples de la vie mondaine et ricanons à la récente confession de Ricky Martin, chanteur qu’on avait perdu de vue après quelques tubes bondissants et ensoleillés. Il nous revient, quelques semaines avant la sortie de son autobiographie, avec un certificat de gaytitude en forme de communiqué de presse et avalanches de réactions énamourées sur Twitter, le nouveau café du commerce mondial. Ricky Martin, qui s’était précédemment illustré par la procréation de deux bambins par mère porteuse interposée, est donc homosexuel et cela le rend « plus fort, plus heureux » encore. On est content pour lui. Désormais, à la manière de l’ancien ministre Roger Karoutchi – la comparaison est, certes, audacieuse – se présentant aux primaires UMP pour mener la liste aux élections régionales en Ile-de-France, l’homosexualité et sa révélation publique sont un ressort essentiel d’un plan de carrière. Tout serait-il à vendre ?

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Les enfants Martin © DR

Arielle Dombasle perdue dans la Cigale

Samedi 27 mars 2010

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Arielle Dombasle au Crazy Horse en 2008 © DR

Ce que les années 80 reviennent au galop ! Un naturel exacerbé, miroir heureux de frivolité / futilité, aujourd’hui transformé en noble nostalgie, instants rêvés des derniers feux d’une parenthèse qui fut, c’est vrai, enchantée. Après la mythologie Saint Laurent, voici qu’Arielle Dombasle entre en scène. La Cigale, comble, en liesse, avant même la première note. Des folles, hurlantes, des mémés endimanchées, jolie chemisier de soie blanche, des grosses dames et leurs maris de sortie, et le Tout-Paris à l’orchestre… Pas de cabaret, ni de théâtre rive gauche pour Dame BHL, juste une salle de concert du boulevard Rochechouart pour la délicieuse cocotte, qui, au-delà de tout ce revival, nous intrigue.
Sur son nouvel album « Glamour à mort », elle est, cornaquée par Philippe Katerine, à son meilleur. Le disque « n’a pas rencontré son public ». Marasme de l’industrie du disque ? Désintérêt pour les mimiques de l’égérie rohmérienne ? Inadéquate rencontre avec l’univers sagement déjanté de Philippe Katerine ? Qui sait ? Va pour deux concerts à Paris, histoire de retrouver le public…
On annonçait donc une performance glamour en diable, on eut droit à une prestation low cost, décalée, parfaitement hors sujet de la créature, chaussée Louboutin, entravée dans des costumes impossibles, entourée de trois malheureux mais vaillants musiciens et de deux choristes ridicules, façon Crazy Horse, moulinant à qui mieux mieux. Le vidéo glam show ? Quelques lasers et une resucée de clips promotionnels et d’illustrations hystérico-mystiques que même Mylène Farmer et Laurent Boutonnat désavouraient. On s’en fut, on s’enfuit aux premiers rappels…

M’as-tu vu ? Episode 45

Jeudi 25 mars 2010

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M. et Mme Nicolas Sarkozy à l’Elysée © Annie Leibovitz / Vanity Fair

« Dans une interview au Figaro Magazine de samedi, Carla Bruni-Sarkozy déclare une nouvelle fois « qu’en tant qu’épouse », elle « ne souhaite pas vraiment » que son mari, Nicolas Sarkozy, brigue un second mandat présidentiel en 2012. « Peut-être ai-je peur qu’il y laisse sa santé, peut-être ai-je envie de vivre ce qui nous reste à vivre dans une certaine paix ? (…) Mais, ajoute-t-elle, quelles que soient la situation et les décisions que prendra mon mari, je ferai tranquillement avec ».
(Le Monde, 25.03.10)

Krzystof Warlikowski reprend son Tramway

Samedi 20 mars 2010

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Isabelle Huppert © Pascal Victor / ArtComArt

Certains ont abandonné avant même la représentation, assommés par les critiques hurlantes à l’ennui, au soir de la première. N’y allez pas ! Ca dure 3 heures ! On n’y comprend rien ! Isabelle Huppert vampirise une nouvelle fois de sa bêtise égocentrique ce spectacle au point qu’il n’y ait plus de tramway mais juste une Blanche DuBois à la dérive entre Tennessee Williams et des citations boursouflées de Sarah Kane ! Mais qui est ce polonais complètement malade ? On y va, goguenard, prêt à rajouter son couplet et dire tout le mal qu’on a déjà ici d’Isabelle Huppert la mal aimable. 2h45 plus tard, rien à dire, on applaudit ce spectacle beau et inspiré. On salue la performance du metteur en scène à raconter un monde, une femme et ses obsessions au travers d’un texte, de citations et de chansons comme une construction purement mentale, faite de multiples influences littéraires et musicales pour arriver à cerner cette irrégulière, Blanche DuBois. Le public, venu pour l’hallali, en est pour ses frais, alors il applaudit mollement. Il espérait une bataille d’Hernani, Warlikowski n’en leur en donne pas le loisir. Son talent est évidence. Il a repris son ouvrage, coupé une demi-heure de vociférations d’Isabelle Huppert pour être sur l’os. Bien sûr qu’on n’entend pas, comme au lycée, le « Tramway nommé désir » de Tennesse Williams, mais une variation hallucinée et engageante qui vaut toutes les intrigues bien ficelées. Un théâtre furieux et misanthrope qui vous court longtemps après…

Un tramway, mise en scène de Krzystof Warlikowski, traduction de Wajdi Mouawad, avec Andrzej Chyra, Florence Thomassin, Yann Collette.

Une journée avec Patrick Messina

Vendredi 19 mars 2010

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Le Cap © Patrick Messina

Un mot, une image du Cap, pour saluer le talent du photographe Patrick Messina, qui présente à la galerie Philippe Chaume, ses très belles images d’Afrique du Sud et aux autres immensités maritimes ou urbaines dans lesquelles il nous plonge avec une poésie rare du flou et de l’émerveillement. Ne les manquez pas !

Patrick Messina, A journey, Galerie Philippe Chaume, jusqu’au 20 mars.

A single man : que mon cœur lâche !

Vendredi 19 mars 2010

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Colin Firth © Mars Distribution

Il y a de jolis instants, c’est vrai, dans le film glamour à mort de l’ancien couturier Tom Ford, mais aussi des manières pompières de marchand de lunettes qui rendent le film proprement indigeste. Dommage, on était bien parti pour suivre les variations mélancoliques de Colin Firth, gentil professeur tiré à quatre épingles, épagneul malheureux d’un amour ravissant mais accidenté, rouge sang sur la poudreuse au coin d’une route de campagne, jusqu’à l’entrée dans son appartement design, transparence de verre et de bois… Dès lors, plus rien ne va, Christopher Isherwood, dont est adapté le film, a déjà fichu le camp, il ne reste que chiffons mondains et falbalas homosensibles en guise de scénario : une soirée alcoolisée avec Julianne Moore, écrite à la truelle, la nuit qui tombe sur quelques jeunes hommes prêts à l’amour, une dangereuse baignade nocturne et, au final, la crucifixion d’un cœur bien fatigué.

A single man, un film de Tom Ford, 1h53 (En salles).

Deux comédiens, seuls en scène

Jeudi 18 mars 2010

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Jonathan Capdevielle © DR

Il est des comédiens qui, le pied à peine posé sur le plateau, font comme partie de votre famille. Nicolas Bouchaud, depuis ses aventures rocambolesques avec Jean-François Sivadier, et Jonathan Capdevielle, plus récemment, sont de ceux-là. Deux bêtes de scène, deux forces timides. Le temps de sentir la salle, de tenir le public, et ils donnent tout et le meilleur d’eux-même. Jonathan Capdevielle fut ainsi porté en triomphe il y a quelques jours aux Antipodes de Brest, présentant « Adishatz », une performance chantée et bouleversante sur l’adolescence d’un garçon d’aujourd’hui. Il était pourtant bien tard dans cette nuit brestoise mais le public, secoué pour certains de rires trop veules pour ne pas masquer leur gêne, était à l’unisson de cette folie barbare et délicate. Quelques jours plus tard, à Toulouse, Nicolas Bouchaud, les mots dans ceux du critique ciné Serge Daney, partageait sa cinéphilie avec le public du Théâtre national. Fringuant, moqueur et heureux, parfois féroce avec le public, il emportait tout, John Wayne en fond d’écran n’avait qu’à bien se tenir.

Adishatz, une performance de Jonathan Capdevielle.
Showroomdummies, un spectacle d’Etienne Bideau-Rey et Gisèle Vienne.
La loi du marcheur, ms Eric Didry, avec Nicolas Bouchaud (En tournée en France)

Est-ce Saint Laurent qu’on ressuscite ?

Mercredi 17 mars 2010

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Yves Saint Laurent © DR

On ne sait plus où donner du Saint Laurent ! Une exposition au Petit Palais, orchestrée par le fidèle Pierre Bergé qui publie chez Gallimard ses « Lettres à Yves », un album photo de Jeanloup Sieff dont la fameuse image de « Saint Laurent naked », des documentaires plus ou moins visibles (le désormais célèbre mais invisible Célébration d’Olivier Meyrou, qui a le tort, entre autres, d’être le compagnon de Christophe Girard, ennemi intime de M. Bergé), une biographie de Marie-Dominique Lelièvre (« Saint Laurent mauvais garçon », Flammarion) qu’elle revendique de ne pas avoir écrit « sous la dictée de Pierre Bergé », un petit livre mode et mal ficelé de Laurence Benaïm (« Requiem pour Saint Laurent », Grasset). Sans oublier le livre disque d’Alain Chamfort et Pierre-Dominique Burgaud (« Une vie Saint Laurent », Albin Michel), qui est sans conteste le travail de création le plus éloquent, le plus sûr de cette déferlante Saint-Laurent. C’est dit justement, chanté délicatement : tout est subtilité et distance heureuse avec la mythologie en cours de construction.

Les cercles nocturnes de Joël Pommerat

Mercredi 3 mars 2010

Notre estime pour Joël Pommerat est grande. La singularité de sa recherche dans son théâtre d’ombres mérite qu’on passe vite sur les réserves que nous inspirent son nouveau spectacle « Cercles / Fictions » présenté le mois dernier dans un dispositif scénique bouleversant l’aménagement des Bouffes du Nord. Les spectateurs sont tout autour de la scène et se font miroir. Les comédiens, au milieu du cercle, dans la pénombre, raconte des histoires de quelques hommes et femmes en prise avec la guerre, l’économie, l’ambition dans une société humaine déclinante. Des histoires qui se mêlent les unes aux autres au risque d’une grande confusion. On se perd souvent dans cette pièce, on bute sur une piste qui soudain devient un non-sens. On s’épuise dans cet excès de noirceur, le jeu parfois trop subtil de lumière et de nocturne. On abandonne du regard ces comédiens dans une humilité de moyens et de gestes qui les rend d’une sobriété si sombre… Alors la pièce semble se jouer sans nous et nous laisser un peu en plan, loin de ce spectacle pourtant gracieux et porté par un texte d’une très belle beauté inquiète…

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Cercles / Frictions © Elisabeth Carecchio

Cercles / Fictions, texte et création de Joël Pommerat, en tournée française.