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Archive pour février 2009

Les hallucinations héroïques de Pieter Hugo

Samedi 28 février 2009

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Pieter Hugo, Mr Enblo. Enugu, Nigeria, 2008 © Michael Stevenson Gallery

On avait quitté, émerveillé, les hyènes et leurs dompteurs photographiés par Pieter Hugo. On le retrouve dans les nouveaux locaux de la Michael Stevenson Gallery à Cape Town. L’espace, dans le nouveau quartier branché de Woodstock, est remarquable, vaste, aéré, lumineux. On est cependant un peu décontenancé par la nouvelle proposition photographique du Sud-africain. Rendant hommage à Nollywood, haut-lieu de tournage de nanards africains qui inondent les derniers écrans de cinéma du continent, Pieter Hugo photographie des comédiens, les affuble de costumes rappelant des héros connus, puis les place dans des univers de désolation. On voudrait y croire, se laisser embarqué dans cette fantasmagorie très vaudou mais tout ce fatras de chairs meurtries, de viandes saignantes et de personnages hallucinés lasse et devient artificiel. On passe d’une image à l’autre, sans qu’un récit ne s’impose, juste des poses chahutées et sophistiquées. Dommage !

Michael Stevenson Gallery, Buchanan Building, 160 Sir Lowry Road, Woodstock, 7925, Cape Town

Soweto : des pierres contre des fusils

Samedi 28 février 2009

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© DR

Si vous marchez dans Soweto, township de la banlieue de Johannesbourg, vous serez marqué par l’immensité du territoire. De petites villes s’inventent les unes près des autres, sans que les communautés véritablement ne se mélangent. Il y a le township des colored, celui des noirs, plus loin celui des indiens. Et encore celui des blancs pauvres. Soweto, on entend les cris de Biko, de Mandela. Sa maison est d’ailleurs là, en travaux, pour devenir un musée à la mémoire du leader de l’ANC et de la lutte contre l’apartheid qui connut dans ses lieux son essor. Quartiers de petits maisons, jardinets proprets, plus loin, c’est le chaos de la tôle ondulée et des enfants à l’abandon d’eux-même, courant, sales, d’une baraque à l’autre, quelques chiens galeux, des poubelles pleines, de la terre battue, pas d’horizon. Le samedi, c’est bien connu, c’est le jour des mariages. On se prend à rêver à l’écho des voix et des chants sortant d’une maison près du Hector Pieterson Museum.
Hector Pieterson, l’enfant du quartier, mort à quelques pas de là, sous les balles de la police blanche, le 16 juin 1976. Des revendications, une émeute, la police qui charge. Le petit écolier dans les bras d’un homme, une femme, une soeur pleure déjà sa souffrance. Un musée lui est consacré à Soweto – une belle réalisation qui embrasse toute la complexité du conflit sud-africain, de la création des townships au temps des mines d’or et de la prospérité de la ville, jusqu’à l’apartheid et les luttes pour en venir à bout. Des pierres contre des fusils. Une plongée dans l’histoire, riche, passionnante. J’en sors bouleversé, captivé par cette histoire effroyable et ces engagements de haute lutte pour le droit à l’égalité.

Hector Pieterson Museum, Soweto.

M’as-tu vu ? Episode 23

Dimanche 22 février 2009

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© Reuters / Régis Duvignau

Un vrai musée éphémère: avant d’être dispersées aux enchères à partir de lundi, les oeuvres réunies par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé étaient exposées ce week-end au Grand Palais à Paris, où quelque 7.000 personnes avaient déjà pu les admirer samedi en fin de journée, après jusqu’à quatre heures d’attente (…) Les oeuvres sont exposées dans la reconstitution scénographiée d’un immense appartement qui aurait pu être celui des deux hommes aux 50 ans de complicité, depuis l’entrée, au grand salon, en passant par le salon de musique, la bibliothèque, ou l’insolite cabinet de curiosités (…) Arrivée dès 6h pour les plus matinaux, la foule de curieux, mais aussi de nombreux collectionneurs, marchands d’arts ou simples antiquaires venus de province était également composée de touristes venus « admirer en vrai » ce qui leur semblait relever de l’impossible.

(Source : AP)

Meeting Dita in Paris at Crazy Horse Saloon

Lundi 16 février 2009

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Dita von Teese © DR

Retour au Crazy Horse. On ne boude pas son plaisir malgré la longue demi-heure d’attente devant le célèbre cabaret de l’avenue Georges V. C’est la foule des grands soirs pour applaudir les trois numéros de la strip-teaseuse du Michigan et ex-girl-friend du gothique Marilyn Manson. L’étiquette lui colle à la guêpière comme le sparadrap au capitaine Haddock. Mais Dita, déshabillée chic par Elie Saab, est exceptionnelle dans ce numéro de charme et le Crazy, nostalgique d’Alain Bernardin, en impose encore à quelques jours de sa reprise en main et en jambes par le chorégraphe Philippe Decouflé. Pin up rose et rouge d’abord, entourée des girls, puis brune fatale en manière de Gilda, elle termine son tour par le très fameux « bain noir », lovée au creux d’une baignoire, se donnant de la fraîcheur entre deux beaux soupirs et clins d’œils qui nous ramèneraient à l’adolescence. Scandaleuse et merveilleuse créature, charmeuse Dita.

La voix off de Barack Obama

Lundi 16 février 2009

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Vincent Byrd Le Sage © Eric Gouyenon

C’est une petite salle, remplie de militants du MRAP et d’autres collectifs encore, dans une petite rue de la Goutte d’Or ou pas loin de là. Des femmes âgées discutent entre elles de leurs dernières manifestations. Ici on prend parti ou on accompagne, en parrain, une famille d’immigrés au théâtre. Lavoir moderne parisien, maison du peuple. Vincent Byrd Le Sage y donne tous les dimanches le texte de la conférence de Barack Obama à Philadelphie sur les races en Amérique. Le comédien métis refuse de pousser au-delà des apparences le mimétisme, dit avec peu de relief le texte du futur président des Etats-Unis. On est d’abord étonné par cette diction, puis le texte d’une belle intelligence s’impose et la manière qu’a le comédien de rester derrière les mots amène l’émotion et toute la puissance de l’esprit d’Obama. Ensuite, il y a un débat mais on a vite fait de le quitter. Les mots d’Obama sonnent bien plus forts que ceux de quelques commentateurs politisés qui tentent de les interpréter à leur avantage.

De la race en Amérique, ms José Pliya avec Vincent Byrd Le Sage, Lavoir moderne parisien, le dimanche à 15h30.

Benjamin Button : Brad Pitt à contre-temps

Lundi 9 février 2009

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Brad Pitt et Cate Blanchett © DR

Pas besoin de raconter l’étrange histoire de Benjamin Button, tant la campagne de communication autour du film de David Fincher bat ces jours-ci son plein. Adapté d’une nouvelle de Fitzgerald, le film raconte donc toute la vie de Benjamin Button (Brad Pitt), à contre temps de sa belle Daisy (Cate Blanchett) et de quelques femmes, amies, amantes, aimées et d’autres hommes au fier caractère qui font de ce film édifiant une aventure un peu longuette. Etrangement, à la manière du retour de Tom Cruise dans « Walkyrie », c’est Brad Pitt qui emporte l’adhésion. Après avoir été longtemps si neutre et parfaitement lisse dans des films sans consistance, le comédien, déjà de belle prestance dans « Babel » d’Alejandro González Inárritu offre sa plastique à ce rôle, pour le coup, protéiforme. Et il est tout bonnement épatant. Séduisant !

L’étrange histoire de Benjamin Button, un film de David Fincher (2h44). En salles.

L’autre, cette femme occupée…

Lundi 9 février 2009

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Dominique Blanc et Peter Bonke © Ad Vitam

Un film, habité, qui commence comme une hypnose. Des feux de voitures dans la nuit dessinent un ballet lumineux sur l’autoroute, et autant de vie qui défilent, d’anonymes en course. Au milieu d’eux, une folie cavale : celle d’Anne-Marie Meier. Elle a aimé un homme plus jeune qu’elle, beau jeune homme noir, à peine trentenaire, alors qu’on la soupçonne dans les affres de la cinquantaine. L’a-t-elle abandonné, est-ce lui qui est parti ? On ne le saura pas. Perdue, Anne-Marie Meier, elle, sombre dans la jalousie et la paranoïa. Ses amis la protègent mais ne peuvent rien. Elle quitte la réalité pour ses fantômes, pour ses angoisses. Après « Ceci est une pipe » et le stupéfiant « Dancing », le duo Trividic-Bernard signe un nouveau film d’art cinématographique et sonore. Ce film est une œuvre d’art plastique, sensuelle et démente. Tapis de musique diabolique, angoisse sévère de vidéo de surveillance, présence incandescente de Dominique Blanc au plus haut de sa folie d’actrice, une heure et demi passe dans cette étrangeté dont on émerge dans un drôle d’état…

L’autre, un film de Pierre Trividic et Patrick Mario Bernard (1h37). En salles.

Librairie des Colonnes : retour à Tanger

Samedi 7 février 2009

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Charles Matton, Librairie des Colonnes (1998) © DR

Vive réaction de Simon-Pierre Hamelin, animateur de la librairie des Colonnes, à la lecture de ma note sur Tanger et réponse idoine, mais finalement nous finissons pour nous comprendre. L’écrivain, photographe, animateur de la revue « Nejma » me reproche dans des termes assez virulents ma vision de la librairie tangeroise sans connaître toutes les difficultés de la vie du livre au Maroc : « … Outre la mauvaise santé du marché du livre au Maroc, c’est ce qui rend la librairie « vide », mais c’est aussi le cas de la majeure partie des librairies marocaines. Aussi, il ne suffit pas de dire que la Librairie est vide, mais il serait peut-être plus judicieux de dénoncer ces fonctionnements structurels et conjoncturels, ou de parler de la gestion de la culture ici, au Maroc, de la diffusion du livre, des intérêts étrangers et notamment français qui rentrent en opposition avec une véritable et effective bonne santé en ce domaine… C’est pourquoi, je suis obligé de rétablir une vérité, qui est la réalité de ce lieu et de souligner l’existence de la Revue Nejma (ayant co-dirigé le dernier numéro de « La Pensée de Midi » sur Tanger, publiant Bowles, Borges, Meddeb, Taïa, Vergne…) dont j’aurais aimé vous parler; aussi des activités de la Librairie qui vont bien au-delà de la réception des « clients exotiques »… C’est aussi à la librairie, que vous auriez pu trouver les traces du Tanger légendaire, dont vous dites, qu’il ne reste rien. Et bien si, Mohamed Mrabet en est le meilleur exemple : premier écrivain marocain a avoir été publié chez Gallimard, traduit en 14 langues, ayant travaillé avec Bowles, ayant connu tous les écrivains que vous citez, travaillant encore (peinture et littérature), à tel point que nous allons sortir ensemble un roman, qui sera publié courant 2009, en Hollande, Allemagne et Italie… et que je suis en train de lui organiser des expositions à Madrid et à l’Alambra de Grenade en mai. Il est effectivement difficile d’avoir accès à ces informations, si je ne suis pas à la librairie… Mais il y a des moyens, toujours, de savoir ce qui se passe ici. Notre réalité et celle de ce pays, nous pousse à être quelque peu susceptibles sur certains sujets, aussi vous voudrez bien m’excusez du ton enlevé de mon dernier courrier. Chacun est le bienvenu à la librairie des colonnes, et je serai ravi de vous y voir. »
Alors, si vous passez par Tanger, poussez la porte de la librairie des Colonnes à la rencontre de Simon-Pierre Hamelin, il sera votre meilleur guide pour découvrir cette ville étonnante…

Europeana : l’écho sombre des temps

Samedi 7 février 2009

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© TNT / DR

Une brève histoire du XXe siècle pour ce spectacle plaisant, grand public et intelligent comme un petit manuel d’histoire à consulter tous les jours. 2000. Le millenium et la crainte du grand bug. Pour éviter la perte des mémoires et des repères, le Groupe Merci ressuscite une ancienne attraction foraine, le « Mur de la mort ». Ce « théâtre-cylindre » de quatre mètres de hauteur et neuf de diamètre peut rassembler une centaine de spectateurs. Au creux de cette centrifugeuse de l’Histoire, des comédiens, en forme, racontent l’évolution des sociétés et des moeurs européennes, les faits de la grande et de la petite histoire, et reviennent, sans cesse, au mal absolu. Le XXe siècle, imaginé sans limite, explose à Auschwitz et Hiroshima. La Shoah et la bombe atomique. Comme un écho sombre aux temps présents, comme l’heureuse impossibilité de la fin de l’Histoire.

Europeana, une brève histoire du XXe siècle, Patrick Ourednik, au Théâtre national de Toulouse, jusqu’au 7 février 2009.

Françoise Sagan dans la paix de Seuzac

Vendredi 6 février 2009

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Les tombes de Françoise Sagan et de Peggy Roche à Seuzac © Marko Gazdo

Le Lot par tempête. De la roche, il jaillit des cascades, et la rivière, folle, est de boue. Au fond d’un autocar, on passe les villages les uns derrière les autres, petites bourgades de pierre blanche et clocher au milieu. Il fait bon vivre en campagne, dans une retraite toute en douceur. Ici, Figeac et Cahors sont de fières citadelles, vivantes, marchandes, ailleurs la vie de village est réglée par le passage du facteur, les informations de 13h et la fermeture de la supérette à 19h00 pétantes. Le calme. Dans cette paix, un bourg en impose plus qu’un autre : Cajarc. Il a connu d’illustres promeneurs, Georges Pompidou, d’abord, puis Françoise Sagan en charmant petit monstre, désinvolte et rapide. La route de Françoise Quoirez Sagan s’est finalement arrêtée là, une après-midi de septembre 2004, au cimetière de Seuzac. Elle y est revenue, sans vie, entourée des siens : Juliette Gréco, Pierre Bergé, Bernard Frank, Florence Malraux et Ingrid Méchoulan… Le cimetière est un petit enclos en pente, autour de champs de maïs. On y entre en déroulant une chaîne, sans cadenas, rouillée. Près de la tombe de Sagan et de son mari Robert James Westhoff, et en face de celle de sa famille, une stèle identique mais anonyme, vermoulue autant que la première est polie. Sous la pierre repose, discrète, la fidèle compagne de Françoise Sagan, la femme la plus aimée : Peggy Roche. On sort du cimetière, un peu mélancolique : qui, bientôt, sans la moindre inscription sur la tombe voisine, se viendra d’elles, ensemble ?

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