On lui décerne, sans conteste, le titre de femme de la semaine, sinon du mois. Martine Aubry, après des mois, des années d’exil lillois, est de retour sur la scène nationale. Le week-end dernier, à l’Université d’été du Parti socialiste à La Rochelle, la maire de Lille attirait tous les regards et s’appliquait à les retenir tous. Les médias, pressés, annonçaient déjà sa probable accession à la tête du PS. Royal en échec, Delanoë inaudible au-delà du périphérique, Moscovici mal connu et vite trahi, une auréole de super-maire de Lille, où sa réussite reste peu contestable, un livre de circonstance, dicté à la va-vite à Stéphane Paoli, une stratégie d’alliances contre-nature avec les godillots de Fabius, de Strauss-Kahn, de Montebourg, l’adoubement surréaliste de Jean-Pierre Raffarin, l’admiration du petit Benoît Hamon : les ingrédients étaient réunis pour faire de Mme Aubry ce qu’elle n’est pas : une femme humaine, proche des gens, « vraiment de gauche », seule capable de réveiller le parti socialiste de sa léthargie « hollandaise ».
La colère montait, on se frottait les yeux : quelques preuves faudra-t-il encore aux socialistes perdus et orphelins de François Mitterrand pour ne pas se jeter dans les bras de la fille de Jacques Delors, si avide de pouvoirs ? On se remémorerait à l’envi ce train de sénateurs, députés et ministres partis consoler l’inflexible Martine à Lille après la publication du pamphlet de Philippe Alexandre et Béatrix de l’Aulnoit, « La dame des 35 heures » (Robert Laffont, 2002). La dépression passée, aucun de ceux-la ne trouvait grâce à ses yeux, traités comme tant d’autres de « cruche » (Ségolène Royal), de « poupée Barbie » (Elisabeth Guigou), de « mickeys ». N’oublions pas non plus la colère d’un Pierre Mauroy, lui ayant laissé en viager la totalité de son empire lillois, n’en revenant pas, lors d’un conseil national du PS en mars 2006, de sa méchanceté et de ses inélégances quotidiennes : « Elle a dit trop de mal, de trop de monde ! »…
Quelques déclarations à la presse et déjeuners d’appareil plus tard, patapras, la mayonnaise tournait aigre. Propos cassants, trahisons, morgue inflexible, fausse humilité, Martine Aubry reprenait le costume de la « mèremptoire » si souvent décrit par ses collègues et anciens collaborateurs. Une nouvelle fois, Pierre Mauroy vint calmer les esprits en surchauffe en dénonçant les contorsions des « aubryistes » et appelant à des majorités d’idées plus crédibles. Qu’il faille la sagesse d’un très vieil éléphant comme Pierre Mauroy pour faire entendre raison aux militants laisse pantois quant à la capacité du Parti socialiste à redevenir une machine de guerre et de pouvoir efficace face à l’omnipotence du président Nicolas Sarkozy et de l’UMP. On y reviendra.