• Accueil
  • > Archives pour septembre 2008

Archive pour septembre 2008

Les passages secrets de Jesper Just

Dimanche 28 septembre 2008

jesperjust.jpg
It will all end in tears, 2006 © Jesper Just

Un des meilleurs vidéastes européens se produit dans l’incorfort du hall d’entrée d’une galerie parisienne – celle d’Emmanuel Perrotin, protecteur de Calle, Cattelan, Delvoye, Murakami, Oppel, Trouvé, Veilhan – et les médias français n’en ont cure. Le danois Jesper Just propose pourtant trois vidéos admirables à Paris avant d’aller se faire acclamer à la Liverpool Triennal, à New-York, après Londres, Mimami, Amsterdam, Los Angeles et Copenhague où il est né en 1974.
Que voyons-nous ? Trois fascinations : une vieille femme à l’agonie; un homme perdu dans un jardin japonais, passant de la vie à la mort dans un New-York de feu d’artifices et de hurlements de chanteurs finlandais; Udo Kier, acteur fétiche de l’underground (Paul Morissey, puis Gus van Sant et Lars von Trier), en créature mi-homme, mi-femme, perdu dans un décor rococo roumain. Image stylisée, épure étrange, merveilleuses lumières nocturnes, pétales de rose et nature effrayante, Jesper Just offre des rêveries perturbantes, hypnotiques comme le passage de la foudre.

www.jesperjust.com

Jesper Just, Romantic delusions, Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, Paris 3, jusqu’au 14 octobre 2008.

Docteur Nadeau et miss Vreeland

Dimanche 28 septembre 2008

vreelandhorn1.jpg
Diana Vreeland © Horn

Il est des salles de théâtre qui vous disent d’instinct ce que le spectacle sera. Samedi, à 18h30, au Théâtre du Rond-Point, Claire Nadeau donnait « La divine miss V. ». Sur le gradin, un aéropage de garçons sensibles, quelques solitaires, des familles de théâtreux, un garçon androgyne à sa maman et des femmes âgées assez chics tendance 16e qu’on appellerait plus communément des « mémés » dont le sillage révèle une addiction aux parfums Yves Saint-Laurent. « Yvresse » quand tu nous tiens !
Mais revenons à cette miss V. V comme Vreeland. Diana Vreeland. Mémorable rédactrice en chef du « Vogue » américain, figure du Tout-New-York, Anna Wintour (le diable en Prada !) avant l’heure, immense professionnelle et monstre de colère dans la même minute, virée de son cher magazine en 1971 et consultante ensuite pour l’Institut du costume du Metropolitan Museum de New-York, où elle meurt en 1989. En 1995, Mark Hampton et Mary Louise Wilson créent en Californie puis à New-York « Full gallop », un one-woman show qui retrace la « déchéance » de la Vreeland. La pièce est un succès. Elle est jouée aujourd’hui pour la première fois à Paris dans une adaptation de Jean-Marie Besset, également à l’affiche à 21h00 avec un déplorable « Perthus », lamentablement soutenu par la vieille garde de la critique théâtrale française (Jean-Pierre Léonardini, Gilles Costaz, Jacques Nerson)…
Une histoire vraie, donc – celle d’une femme désargentée, portant toujours le deuil de son Reed de mari, cherchant coûte que coûte à refaire surface après un long voyage en Europe, servie par une Claire Nadeau au mieux de sa forme, masque blafarde et ensemble noir chic, rang de perles idoine. Une actrice dans son registre – pose snob et débit de New-Yorkaise de Lexington avenue, porte-cigarette compris - que le public connaît par le café théâtre (une complice de Coluche), la publicité (« les quenelles Petit-Jean, c’est bon, mangez-en ») ou la télévision (« Mme Foldingue » de Stéphane Collaro, « Palace » de Jean-Michel Ribes) et oublie qu’elle a joué aussi chez Michel Deville (« Dossier 51″), Claude Sautet (« Nelly et M. Arnaud »).
Pour le reste, peut-on parler de mise en scène ? Une fois installée, dans le décor lourd, reconstitution efficace de la chambre de Diana Vreeland, Jean-Paul Muel ne sait plus quoi faire de son actrice. Elle donne le texte avec un certain éclat, mais dérive très vite dans cette hystérie de rouge. Si bien ou surtout si mal que l’on s’ennuie rapidement à cette litanie de mondanités boulevardières. Une heure et quart passe jusqu’à la scène finale où la journaliste retrouve sa superbe et nous émeut, mais il est trop tard, le rideau vient de tomber.

La divine miss V., ms Jean-Paul Muel, Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 26 octobre.

Sophie Calle, la miraculée de Berck

Samedi 27 septembre 2008

file.jpeg
© Sophie Calle

Quel plaisir à retrouver l’espièglerie de Sophie Calle, embarquée dans deux voyages abracadabrants à Berck et à Lourdes ! Nous sommes en 2005, Sophie s’ennuie sans doute et consulte sa voyante Maud Kristen. Il faut lui arranger quelque chose, demander aux cartes de lui trouver de nouvelles aventures à vivre. La voyante est réticente, mais finalement accepte une première tentative qui conduit Sophie Calle à Berck, chemin sur lequel elle croise Jack Lang qui lui lance un prémonitoire « Prenez soin de vous », puis arrivée dans cette ville connue pour ses soins aux grands accidentés, une incroyable mémé, cinglée à lui faire prendre le frais aux extrémités d’un panneau de signalisation. Sophie cherche des signes, elle les trouve dans sa rocambolesque virée ! Ravie de cette excursion, Sophie réclame à sa voyante une nouvelle destination. Ce sera Lourdes mais là, Sophie fait un très mauvais trip. Elle le raconte dans l’émotion de l’agonie de sa mère, Monique, éternelle douleur de ce chemin en croix.
On avait perdu Sophie Calle dans les méandres de son exposition vénitienne, où elle faisait interpréter par une troupe disparate de femmes une lettre de rupture. On la retrouve ici plus saisissante, moins bavarde, plus grave mais fidèle à elle. On pense alors à cette phrase de Michel Foucault pour décrire l’œuvre d’Hervé Guibert, grand ami de la Calle : « il lui arrive toujours des histoires fausses. » Et c’est ainsi qu’on les aime !

Sophie Calle, Où ? Quand ?, Galerie Emmanuel Perrotin, 10 impasse Saint-Claude, Paris 3, jusqu’au 14 octobre 2008.

Gérard Manset en liberté

Samedi 27 septembre 2008

bashung6.jpg
La photo retrouvée d’un Gérard Manset jeune © DR

Il est un compagnon de route. Un des rares dont j’achète le jour même de la parution les albums. Pas besoin de critique ou de la moindre promotion. J’y vais les yeux fermés, je les ouvre en poésie à la première note de la première chanson. Un album tous les deux ans, un rendez-vous régulier avec un bohémien désabusé qui sème de plus en plus de chansons chez les autres (Jane Birkin, Raphaël, Julien Clerc, Florent Pagny, Juliette Gréco, Indochine), des perles rares que certains comme Bashung transforme en diamant (« Comme un Légo » sur l’album « Bleu pétrole »)…
Ses chansons-fleuves sont des repères : « Royaume de Siam », « Les Iles de la Sonde » et « Territoire de l’Inini » de mon adolescence, « Entrez dans le rêve », « Matrice » d’années plus récentes et encore « Obok », « la Vallée de la paix », « Jadis et naguère » d’aujourd’hui. Et maintenant ce « Manitoba ne répond plus », titre étrange, hérité de Hergé : même univers, même ambiance rock un peu désuète et cette voix bizarre, aiguë qui chante l’Amazonie, la route, les femmes et les rencontres de tristesse. Elégant comme la prose d’un poète maudit, contemporain dans le mal des cités, et toujours aérien…

Gérard Manset, Manitoba ne répond plus, CD EMI. Sortie le 15 septembre 2008.

Julien Clerc : le bruit de l’ennui

Samedi 27 septembre 2008

julienclercenconcert54636.jpg
Julien Clerc © DR

Pourquoi pas Julien Clerc ? Je peux encore écouter à plein volume « La cavalerie » ou « La Californie » et toutes ses autres chansons en majesté signé Roda-Gil ou Dabadie, jusqu’à l’épuisante « Mélissa ». Alors comment caler à l’écoute de ce nouvel opus « Où s’en vont les avions ? » ? Tout simplement parce que, dirigé par Benjamin Biolay et Bénédicte Schmitt, épaulé par Gérard Manset, David McNeil, Jean-Loup Dabadie et Maxime Leforestier, Julien Clerc semble quand même s’y ennuyer ferme. L’ensemble est de bonne tenue, bien sûr, mais aucune chanson n’accroche vraiment l’oreille si ce n’est vaguement « La jupe en laine » et surtout « Déranger les pierres » que nous connaissions à deux voix avec Carla Bruni. Pour le reste, le bruit pas terrible de la rengaine déjà usée…

Julien Clerc, Où s’en vont les avions ?, Virgin Music. Sortie le 15 septembre.

Ricercar : un long poème frelaté

Mercredi 24 septembre 2008

20071108ricercarorange.jpg
Ricercar, un spectacle de François Tanguy © DR

Mais qu’ont-ils tous à nous offrir en cette rentrée des spectacles en vrac, tissés de mille textes assemblés à la hussarde les uns aux autres ? Avec l’interdiction absolue de faire la fine gueule : avalez votre plâtrée et applaudissez, nous sommes des artistes, nous sommes en danger, ne nous faites pas défaut ! Et s’il nous arrivait d’en avoir marre, de crier à la saturation, trop de cirque, trop de grand-guignol, trop de bruit, trop de poésie frelatée et de plus en plus, si peu de respect pour les auteurs dont on charcute les textes. Ricercar, le nouveau spectacle acclamé de François Tanguy en est un exemple parfait. De la poésie livrée par camions-bennes dans un décor d’apocalypse et de désolation, on y braille des morceaux de textes que l’on vous propose de relire chez vous au calme. Pour enfin les comprendre, peut-être les mettre en perspective… Pour le reste, on baigne dans la sensation et le public est malheureux, enfermé et contraint dans une vision « sensorielle » qui n’a ni queue ni tête…

Ricercar, un spectacle de François Tanguy, Théâtre de l’Odéon – Ateliers Berthier, Paris, jusqu’au 23 octobre, puis en tournée dans toute la France.

Les impostures diaboliques de Guy Cassiers

Mercredi 24 septembre 2008

mefisto1.jpg
Mefisto for ever © DR

On s’en voudrait même d’en parler, tant le spectacle nous a paru accablant et boursouflé. Guy Cassiers et son dramaturge Tom Lanoye triomphe ces jours-ci en ouverture du Festival d’Automne avec la reprise à Paris de sa « Trilogie du pouvoir », montré en Avignon cet été. Bien sûr, les comédiens sont de belle tenue, les éclairages éblouissants, mais ils ne parviennent pas à cacher la médiocrité d’un texte attrape-tout, bourré de clichés ampoulés. On brasse à la va-vite tous les mythes, on vous les colle sous les yeux sans que cela ne prenne sens. A fuir !

Guy Cassiers, Mefisto for ever, Théâtre de la Ville, Paris, septembre-octobre 2008.

Perthus : les folles en cage

Mercredi 24 septembre 2008

perth2.jpg
Perthus © Kim Mariani

Quel naufrage pour commencer cette nouvelle saison théâtrale ! On se réjouissait de retrouver Jean-Marie Besset dans une pièce nouvelle, mais si nous avions tordu le nez à ses dernières pièces après le subtil « Commentaire d’amour » qui nous faisait découvrir Laurent Lucas au théâtre ! Mais, c’était autrefois, aujourd’hui, Besset, tout auréolé de son image de rare auteur français capable de monter son théâtre à Broadway et partout dans le monde, offre des spectacles de moindre qualité, faussement politiquement incorrect – celui-ci frappé d’une indigne misogynie. Une histoire éculée d’amitiés particulières qui ne trouve aucune issue, engoncée par de jeunes comédiens en pleine caricature et leurs mères jouées par des hommes. On rit peu à cette comédie qui se voudrait féroce, les situations sont attendues, le final bâclé.

Perthus, de Jean-Marie Besset, ms Gilbert Désveaux, Théâtre du Rond-Point, jusqu’au 26 octobre 2008.

Jari Silomäki : un paradis de bohème

Mercredi 24 septembre 2008

9038012.jpg
Jari Silomaki, My weather diary © DR

« Il n’y a pas pire nomade que les rationalistes » Kant.

Jari Silomäki faisait les beaux jours d’une très belle exposition du PS1 MoMA de New-York, joliment intitulée « Arctic Hysteria ». Le finlandais que l’on avait découvert au Kiasma d’Helsinki en janvier dernier y présentait de pièces magnifiques, son journal photographique et un travail sur le deuil de sa grand-mère. La compagnie de Jari Silomäki est savoureuse, il vous emporte sur ses routes de doutes, d’introspection et de mille petites observations du quotidien, dont il tire une vraie philosophie de l’existence. Le travail est impeccable, les perceptions contemporaines, on est avec lui, on est lui. Idéale profession de foi.

Arctic Hysteria, P.S.1 Moma, New-York, jusqu’au 21 septembre.

La beauté des mondes d’Eliasson

Mercredi 24 septembre 2008

beauty041208eliasson232.jpg
Beauty, Olafur Eliasson, 1993 © DR

Un instant de paradis au PS1 MoMA de New-York. Trois créations plus anciennes d’Olafur Eliasson en écho à son projet « Waterfalls ». Une émotion de feu ardent, portée par un crachin fin d’arc-en-ciel ; un ciel de miroir qui tourne à la ronde, et une fontaine inversée, trois projets, trois belles idées qui marquent l’incandescence de l’Islandais, sa proximité avec les éléments et l’infinie poésie de son travail.

Olafur Elisson, PS1 Moma, New-York, jusqu’au 19 octobre.

1234