Souvenirs d’un dimanche d’il y a longtemps dans sa maison-atelier de la rue des Pyrénées. Poulet pommes de terre et deux belles heures d’une conversation comme sa vie au long cours. Françoise Huguier, femme de fort caractère, photographe et beaucoup plus encore : arrière-petite fille d’illustres brodeurs bretons, enfance d’amazone en Asie, des journées entières perdues dans les arbres de caoutchouc qui inspirèrent le film « Indochine » de Régis Wargnier et fascinèrent Catherine Deneuve, amoureuse de l’Afrique et de ses artistes, initiatrice de la Biennale photo de Bamako, mamma photographe d’une tribu de femmes d’ici et d’ailleurs (Barbès – Bamako – Saint-Pétersbourg) dont elle saisit avec pudeur et impudeur l’intimité, une des rares photographes de mode françaises à faire la couverture du prestigieux New York Times. Et puis cette voluptueuse couverture métissée de Télérama pour un des derniers Noël chrétien de la publication avant qu’elle ne se vende aux laïcards du Monde. Voilà pour moi, ce sont tous ses petits cailloux de couleur, Françoise Huguier. Elle est, elle aussi, à Arles, de retour de Saint-Pétersbourg, pour son ami et complice Christian Lacroix. Une descente aux enfers des appartements communautaires de Saint-Pétersbourg, d’où elle emporte la plus belle fleur, Natacha, d’où elle raconte la pauvreté, le rien qu’ici on parvient à recycler, la ruine qui fait office d’ordinaire et de salut… Et des arbres, encore, enneigés dans le ciel lourd de Russie.
Françoise Huguier, Kommunalka, Atelier de maintenance, Arles, jusqu’au 14 septembre.