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Archive pour juillet 2008

Testud, Balibar : des femmes Sagan

Mardi 29 juillet 2008

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Jeanne Balibar et Sylvie Testud dans « Sagan » de Diane Kurys © DR

 »Sagan, Françoise. Fit son apparition en 1954, avec un mince roman, « Bonjour tristesse », qui fut un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une œuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même ».

Certains ont pu dire que « Sagan », le film de Diane Kurys retraçant sa vie et, par instants, sa carrière après le succès de « Bonjour tristesse » n’était pas à la hauteur du « charmant petit monstre » (selon Mauriac), privilégiant l’anecdote sur la création littéraire. J’ai vu le film cet après-midi. Il m’a plu. Bien sûr, il est formaté pour la télévision et trop d’acteurs renommés (Denis Podalydès, Arielle Dombasle, Pierre Palmade, Guillaume Gallienne, Samuel Labarthe, Margot Abascal) se succèdent pour camper les personnages clés de la « petite bande » (Guy Scholler, Jacques Chazot, Bernard Frank, Florence Malraux) au risque qu’aucun d’entre eux ne trouve sa véritable épaisseur, emporté par une histoire devenue plus grande qu’eux…
Pourtant, par-delà ces conventions, deux actrices, Sylvie Testud (Françoise Sagan) et Jeanne Balibar (Peggy Roche), irradient. Elles sont des femmes « Sagan » toutes entières. Par la direction de ses deux comédiennes, Diane Kurys vise juste. Toutes ces années, faites de casino, de nuits agitées et de sommeil léger, tiendraient, pour la cinéaste, par l’amour d’une femme, Peggy Roche. Quand les amis « assommants » vous barbent de leur admiration ou de leur légèreté, quand les drogues n’ont plus d’effet, quand la page reste blanche, il y a Peggy. Peggy la belle, Peggy la classe, lunettes et pantalon oversize, Peggy l’alcool, Peggy l’amour… Peggy meurt et c’est Sagan qui fâne, dépendante des drogues, des médicaments et de l’argent d’une autre, recroquevillée dans son fauteuil normand, absente à la réalité, abandonnée des mondanités parisiennes. En bout de course, une mort comme anonyme dans la grisaille d’une clinique normande… L’amour de Peggy Roche, tardivement révélé, donne à ce « Sagan » sa raison d’être, sa beauté et son incandescence comme une pierre essentielle à sa postérité. Suffira-t-il à faire relire les beaux romans « bâclés » de Sagan ?

Sagan, un film de Diane Kurys. En salles.

Darling chérie

Mardi 29 juillet 2008

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Marina Foïs © DR

Il y avait une chanson de Barbara qui disait « Déménage Lucie, déménage, c’est peut-être ta région qui veut ça ». Darling, lointaine cousine normande et héroïne de Jean Teulé (Editions Juillard) a toujours voulu quitter sa campagne. Après le récit de Jean Teulé, elle a trouvé une nouvelle existence dans le beau et âpre film de Christine Carrière (prometteur « Rosine » avec une Mathilde Seigner débutante, étrange et fragile « Qui plume la lune ? » avec un Jean-Pierre Darroussin impressionnant), sorti de manière trop confidentielle au cinéma l’an passé.
Espérons que le DVD disponible depuis quelques jours permettra au film de trouver un nouveau public car comme le dit Claude Chabrol dans les bonus, ce film « tient du miracle » : la rencontre d’une réalisatrice avec une histoire singulière, celle avec des comédiens (Marina Foïs et Guillaume Canet, mais il faudrait aussi citer la petite Darling, et encore toute la famille sans oublier la gentille Mme Clément), celle avec une équipe technique qui fait de ce film un objet rare, d’une violence inouïe sans qu’il ne sombre jamais dans la complaisance ou le voyeurisme. Darling a souffert, c’est peu de le dire : les années de bonheur sont au nombre de six et pas une de plus. Vie de paysanne, violence familiale et conjugale, qu’espérer quand tout est si mal parti ? Alors Darling rêve tout se prenant des coups, des plumes et des cailloux dans le corps. De quitter la ferme d’abord, d’aimer un routier ensuite, puis de retrouver ses enfants illettrés que son routier lui a enlevé et maltraite. Puis vivre tout simplement, le regard accroché aux plaques d’immatriculation de ces poids lourds qui la font tant voyager, immobile et convalescente.

Darling, un film de Christine Carrière (2007). En DVD.

Douglas Gordon : dialogues d’images

Dimanche 27 juillet 2008

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© Douglas Gordon

Tout Douglas Gordon en Avignon ! Le galeriste Yvon Lambert a confié son hôtel particulier à l’artiste écossais Douglas Gordon. Tenant « de la jeune scène britannique propulsée sur la scène internationale dans les années 1990, il est, après Robert Rauschenberg dans les années 1960, le second artiste à avoir eu le privilège d’être exposé au MOMA avant l’âge de quarante ans.
 Fidèle de la Collection Lambert et d’Avignon où il séjourne chaque été depuis dix ans, Douglas Gordon a proposé une exposition conçue comme un bilan personnel et une aventure humaine. Comme dans un cabinet de curiosité ou un laboratoire anatomique, où les œuvres se répondent en écho — vidéos, séries photographiques, pièces de texte, vanités contemporaines, références aux maîtres du passé —, le musée est totalement méconnaissable, métamorphosé de la cour aux salles d’exposition » nous promet le dossier de presse de cette rétrospective joliment intitulée « Où se trouvent les clefs ? ». Las, conquis par les premières salles où éblouissent vanités étoilées, éléphants en apesanteur et une superbe installation, au dernier étage, mêlant vidéos et citations inspirées (« from the moment you read these words until you see someone with blue eyes ») dans une atmosphère de brume envoûtante, la suite de la « trajectoire Gordon » perd rapidement de sa tenue. Les salles se succèdent sans qu’on ne parvienne à fixer un sens, saisir une démarche sûre et reconnaître les obsessions véritables du lauréat du Turner Prize 96. Décevant.

Où se trouvent les clefs ?, Douglas Gordon, Collection Lambert en Avignon, jusqu’au 2 novembre 2008.

Le site de Douglas Gordon.

Malick Sidibé à chemises ouvertes

Dimanche 27 juillet 2008

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Regardez-moi ! © Malick Sidibé

Une nouvelle réussite de la maison Steidl. « Chemises », le dernier recueil d’images de Malick Sidibé vaut absolument le détour pour sa mise en page d’un réalisme rare. Sur ses photographies classées dans des chemises pastel annotées de sa main, tout le Mali danse, se réunit pour fêter une promotion, une naissance. Et c’est la vie d’une belle jeunesse malienne qui défile sous nos yeux : Bamakoises élégantes patron grand couturier taillé dans des wax d’importation hollandaise, hommes respectables de Koulikoro en costume de ville s’encanaillant au son des yéyés locaux…
À la fin des années 50, dans un Mali nouvellement indépendant, Malick Sidibé se passionne pour la photographie. En 1962, il ouvre le « Studio Malick », où il fixe, en noir et blanc, des habitants de la capitale : jeunes poseurs, danseurs de boîtes de nuit et de surprises-parties, promeneurs des bords du Niger. Les tirages sont collés sur des chemises et exposés pour que les clients puissent faire leur choix. Nombre de ceux que Malick Sidibé a immortalisés vivent encore à Bamako. Dans un documentaire de Cosima Spender et d’Emiliano Battista diffusé ces jours-ci sur ARTE, ils racontent les séances avec le photographe, mais aussi la vie quotidienne et l’évolution du Mali depuis les années 60. Âgé aujourd’hui de 73 ans, le magistral Sidibé a reçu en 2007 un Lion d’or à la Biennale de Venise, pour l’ensemble de son oeuvre.

Chemises, Malick Sidibé, Editions Steidl, 2008.

Malick Sidibé, La dolce vita africana, un documentaire de Cosima Spender et Emiliano Battista (GB, 2007, 60 mn). Rediffusions sur Arte, le 21 juillet à 5h00, le 30 à 5h00.

Faut-il aimer Jack Lang ?

Dimanche 27 juillet 2008

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Jack Lang © Reuters

Il est de ces hommes politiques dont nul ne doute qu’il renaîtra des cendres du Parti socialiste ou plus prosaïquement de son vote avec les élus de droite et du centre en faveur de la réforme des institutions. D’ailleurs, passé les propos de quelques ayatollahs (navrant Jean-Marc Ayrault, minable Julien Dray), les éléphants, ainsi qu’on les appelle, sont tous partis en vacances. Jack Lang est populaire. Jack Lang incarne les derniers feux d’un mitterrandisme heureux, festif et ouvert sur le monde. Une utopie de mai 1981 que plus personne – encore moins les jeunes pousses du parti – ne sait entretenir.
Badinter s’auto-panthéonisant années après années, Bérégovoy suicidé, Rocard ringardisé, Delors et Mauroy statufiés, Fabius impopulaire, Jospin et Delanoë empêtrés dans leur « droit d’inventaire », les fidèles Mermaz, Joxe, Emmanuelli, Quilès, Cresson oubliés, Aubry et Hollande oublieux, seule brille encore chez Ségolène Royal la flamme du président Mitterrand. Est-ce pour en être l’unique usufruitière qu’elle s’est montré si féroce avec Jack Lang, citant l’homme de Jarnac et osant le mot de trahison ? Elle s’en expliquera dans un prochain livre qui lui permettra une tournée promotionnelle où elle croit toujours être en campagne présidentielle.
Jack Lang est déjà ailleurs. A Mykonos, à Johannesbourg, à Bonnieux dans le Luberon avec femme et petites-filles, rêvant peut-être de ce maroquin qu’il n’aura jamais, condamné à servir avec un certain talent « l’intelligence ». Un ministère régalien. La Justice bien sûr, lui le professeur de droit. Le Quai d’Orsay et ses affaires étrangères que son ami Kouchner obtiendra au prix, lui, d’une trahison de ses idéaux et engagements. Qu’a-t-il négocié avec le Président Sarkozy contre sa voix ? Le titre de premier « Défenseur des droits », inscrit désormais dans la constitution ? Cela paraît soudain misérable. Les promesses n’engagent en politique que ceux qui les reçoivent selon le mot de Charles Pasqua.
Alors, bien sûr, on lui garde un attachement. Pour Mitterrand. Pour ces années belles d’utopies. Pour ces quelques rencontres : lors de l’euro-pride en 1995 sur la plateforme du plasticien Jean-Michel Othoniel qui photographiait les militants un collier rouge autour du cou, dans l’atelier de Fabrice Hyber, dans le Finistère lors d’une inauguration, lors d’un hommage à Mitterrand place de la Bastille… Et cette fois encore : nous étions rue de Valois, avec l’un de ses conseillers. Soudain, le ministre ouvre la porte, s’excuse, puis s’attarde tout en nouant sa cravate. Non, il ne peut accepter notre invitation. Le festival se tient à la Pentecôte. A cette date, il a un autre rendez-vous. A Solutré.

Berlin dans le jardin du bien et du mal

Dimanche 27 juillet 2008

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© DR

Il est midi. Berlin. Près de la porte de Brandebourg, on déjeune, on écrit quelques cartes postales, on profite du soleil orageux d’Europe de l’Est. Direction le Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, construit par l’architecte américain Peter Eisenman sur une esplanade près du Tiergarten, où caché sous la terre se cachait jusqu’en 1945 le bunker de Joseph Goebbels, l’homme de propagande d’Adolf Hitler.
Inauguré en 2005 pour le 60e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, sa construction provoqua bien des polémiques – sur l’idée même du mémorial puis sur le produit utilisé pour empêcher les tags sur la pierre, fabriqué par une firme Degussa, dont l’une des filiales fabriquait le gaz zyklon B de sinistre mémoire. J’avais découvert, en construction, cet ensemble hypnotique de petites et gigantesques pierres tombales noires, comme un monumental cimetière à ciel ouvert. Je voulais le voir terminé. Il est magnifique. Mais pourquoi laisse-t-on les enfants y courir comme au jardin d’enfants, les adolescents en cohorte de voyages linguistiques s’y embrasser et les plus âgés s’y photographier comme devant une statue de Niki de Saint-Phalle ou les colonnes de Buren ? Ce lieu impose le respect et la dignité comme ultime hommage aux 4,2 millions de juifs exterminés dont le Musée du Judaïsme de Berlin conte, un peu plus loin, avec une louable pédagogie, la vie et celle de leurs ancêtres dans la relation singulière que la communauté juive entretient avec le peuple allemand. Dans le cœur de métal du Musée du Judaïsme résonne la souffrance noire de lave du Mémorial. Ne l’oublions pas, respectons-les.

Lighter : la disparition de Wolfgang Tillmans

Samedi 26 juillet 2008

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« Truth Study Center » une installation de Wolfgang Tillmans © DR

Le photographe que nous aimions tant a disparu. Adieu, les foules de gay pride berlinoises, cette bande d’amis photographiés au gré de leurs vies à Londres, Paris, Berlin, pantalons baissés et sexe dressé, fini les éclipses et le concorde dans le ciel, fanés les bacs à fleurs, chêne et chanvre, le pommier de balcon, remballées les sculptures de t-shirt, sweats et shorts de lycra bleu, les natures très mortes. En quelques années, le photographe allemand Wolfgang Tillmans, auquel la Hamburger Banhof de Berlin offre une belle rétrospective, est devenu plasticien, se consacrant à des travaux très abstraits sur la couleur, la lumière et la matière. Est-ce une nouvelle direction ou un passage à vide ? On voudrait retrouver l’homme aux portraits et l’activiste très engagé aux installations « Soldiers » et « Truth Study Center » consacrées à la guerre de Bosnie et aux maux de nos sociétés contemporaines (sida, guerre de l’après-11 septembre, surconsommation, atteinte aux droits de l’homme et à la démocratie). Des charges salutaires emportées par un talent inégalable qui lui valut le très provocant Turner Prize en 2000.

Lighter, Wolfgang Tillmans, Hamburger Bahnhof, Berlin, jusqu’au 24 août 2008.

Hedi Slimane : les enfants du rock

Samedi 26 juillet 2008

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© Hedi Slimane

C’est un coffret de carton simple, dans lequel se présentent trois brochures élégantes. L’une se distingue d’un grand rectangle noir, l’autre d’argent et la dernière jaune d’or. Hedi Slimane réunit ses travaux récents et publie à l’occasion de son exposition au Musac de Leon en Castille (Espagne) son « Rock Diary ». Rien de nouveau sous l’objectif, juste la confirmation des obsessions du fantôme élégant de la mode : des rock-stars en maintien trash (Pete Doherty, la chevelure hirsute d’Amy Winehouse), des amis effacés (Gus van Sant de dos), des natures mortes de guitare, quelques traces de fumigènes… Et des garçons, encore des garçons, toujours jeunes, quittant à peine l’adolescence. Enfants du rock qu’Hedi Slimane, troublé, photographie torse nu, glabre, nuque fraîche, buveurs de bière… Un style immédiatement reconnaissable, une esthétique moderne et obsédante.

« Rock Diary » (Editions Les Presses du réel). Photographies d’Hedi Slimane. Textes de Vince Aletti, Rafael Doctor Roncero, Alex Needham, Agustín Pérez Rubio, Jon Savage.

Un conte de Noël : la sarabande de Junon

Samedi 26 juillet 2008

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Anne Consigny, Hippolyte Girardot et Catherine Deneuve : « Un conte de noël » © DR

Famille, je vous hais mieux que je vous aime ! Quel film et quel drôle de bonheur que ces 2h30 passées à Roubaix avec Abel (Jean-Paul Roussillon) et de Junon Vuillard (Catherine Deneuve), leur famille (Anne Consigny, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric) et autres parents (Laurent Capelluto) et alliés (Chiara Mastroianni, Hippolyte Girardot, Emmanuelle Devos, Françoise Bertin) ! « Un conte de noël » d’Arnaud Desplechin est un grand film détestable, malade de la méchanceté naturelle de son auteur, fragile de la pudeur furieuse avec laquelle il met en scène cette famille à quelques heures de Noël. Aux premiers plans, Junon prépare du thé, son regard se brouille, et le plateau tombe dans le couloir. Junon est malade, seule une greffe de moëlle épinière pourrait la sauver. Déjà, son vieux mari cherche le donneur compatible. Ce sera Henri, le fils maudit, le fils banni par sa soeur Elisabeth de la famille, exceptionnellement réunie, tourments collectifs et affects individuels compris, autour du sapin de Noël. Avec une férocité étonnante, Arnaud Desplechin filme l’envers et l’endroit du décor, les conversations secrètes, fouille les journaux intimes comme un mathématicien fou à la recherche d’un théorème, superstitieux à trouver une martingale pour mieux comprendre ce qui nous fait vivre et finalement mourir tous les jours un peu plus…

Un conte de noël, un film d’Arnaud Desplechin. En salles.

Le premier jour… une famille formidable

Samedi 26 juillet 2008

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© Studio Canal Distribution

C’est un joli film d’été. En hiver, on serait enclin à le critiquer, à le passer pour secondaire : trop de clichés, des manières de téléfilm certes intelligent, mais sans maîtrise de la caméra.. Mais, ici, dans le plaisir d’une séance de ciné d’été, on sort les yeux humides et bienheureux de ce brin de film. Quelques instantanés de la vie d’une famille française, le grand-père d’autorité, le papa timide, la maman qui se cherche, le grand et beau fils, le cadet illuminé et la soeurette grunge, tous portés avec humour par des comédiens au plus subtil de leur forme. Mention spéciale à Zabou Breitman, toute en finesse et à Etienne Daho dont une chanson « Le premier jour » donne son titre à ce film émouvant.

Le premier du reste de ta vie, un film de Remi Bezançon (2008, 1h54). En salles

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