C’est un livre à se demander si les commentateurs qui, ici et là, l’ont acclamé l’ont réellement lu. David Reiff est le fils de Susan Sontag. Editeur américain de Yourcenar, Canetti et Roth, il se consacre désormais à l’écriture et au journalisme, couvrant les grands conflits internationaux pour le prestigieux mais parfois vite jeté au panier « New-York Times Magazine ». Dans « Mort d’une inconsolée », il revient sur les derniers jours de sa mère, saluant son courage, sa volonté inouïe de comprendre le mal qui la ronge pour mieux le dompter et cette force intellectuelle qui ont fait d’elle une personnalité littéraire de premier plan aux Etats-Unis et dans le monde entier.
Pour cette chronique d’un mort malheureusement annoncée par plusieurs rechutes cancéreuses, crier au génie littéraire semble disproportionné. En revanche, ce qui fait l’intérêt de ce récit est la bataille rangée que se livrent à distance le fils et la compagne de Susan Sontag, la photographe Annie Leibovitz. Pour cette dernière, Rieff n’a que ces quelques phrases cinglantes, revenant sur ces photographies mortuaires que la photographe a publiées dans « Une vie de photographe 1990 – 2005 et parlant pour sa mère de « l’humiliation de se voir « commémorer » dans les images de carnaval de mort célèbres prises par Annie Leibovitz ».
Intrigué, je sors le beau et lourd album de la bibliothèque et relis la préface de Leibovitz. Et là, révélation : Annie Leibovitz décrit, elle aussi, l’agonie de son amie qui semble tout d’un coup complètement différente. A se demander quelle fut la dernière tenue de la morte, puisque les deux revendiquent le choix du dernier vêtement… Qui croire ?
Perturbé par ces troublantes incohérences, on fait escale un dimanche de grande pluie au cimetière Montparnasse pour espérer tirer cette histoire au clair. L’affaire s’assombrit à la recherche de la tombe de Sontag que David Reiff localise près de celle de Beauvoir et Sartre. Pour la trouver, il faut en appeler au classeur et plan du gardien. La tombe est à l’opposé de celle du célèbre couple. Est-ce une erreur de traduction ou M. Reiff méconnaît l’emplacement de la tombe parisienne de sa mère ? Le mystère reste entier et le livre en devient finalement assez déplaisant. Pour rendre justice à Mme Leibovitz, on découvrira à la National Portrait Gallery de Londres ses photographies de stars américaines qui ont fait les plus belles pages de Vanity Fair… La foire aux vanités, vous avez dit ?
Susan Sontag © Annie Leibovitz
David Reiff, Mort d’une inconsolée, Climats, 2008.
La vie d’une photographe, Annie Leibovitz, La Martinière, 2006.