« Modiano, prix Goncourt. Je l’aperçois, gazelle traquée dans un petit bureau par une meute de cameramen et de photographes, l’oeil fou, hagard, comme un assassin qu’on vient de surprendre sur le fait… Entre deux portes, je lui parle cinq minutes, avec la difficulté ordinaire. il me dit avoir passé toutes les heures d’angoisse de ces jours-ci dans l’annuaire 1939 que je lui ai offert l’autre semaine. Soudain, il est « là-bas » dans son monde obscur des années noires, très loin de la foule qui s’agite autour de lui. Il m’interroge sur Jane Sourza et Django Reinhardt, mes voisins d’avant-guerre, comme si je les avais connus. Merveilleuse folie. »
C’était Matthieu Galey, journaliste, critique littéraire et dramatique, membre du comité de lecture de la maison Grasset que France Culture nous a fait retrouver l’autre semaine dans un documentaire passionnant de François Dufay. Par la qualité des témoignages de Geneviève Galey, sa soeur, de son vieil ami Pierre Joxe, de son compagnon Herbert Lugert (fin et plein d’humour, lui aussi une lettre T., dans un journal), mais aussi de François Nourissier et de Jacques Brenner, l’émission nous plonge dans l’atmosphère littéraire des années 60-70, époque révolue où l’on brillait encore dans les salons, où les vieux écrivains se distrayaient de la présence, dans leurs hôtels particuliers, de jeunes gens intelligents.
Comme des fantômes, à cette heure bien vivants, on voit passer Druon et ses nègres, Chardonne, les deux Marcel, Jouhandeau et Schneider, Berger le censeur, l’éditeur ému Fasquelle et quelques autres. Des pissotières du boulevard Saint-Germain fréquentés assidument par la petite bande aux réceptions de Marie-Laure de Noailles, Matthieu Galey, dandy Proust, revit et son journal nous revient en plein coeur. Je cherche dans la bibliothèque les deux volumes épais à la couverture jaune et verte des Editions Grasset, l’ouvre de nouveau, il redevient aussitôt le compagnon de chevet qui n’aurait jamais du cesser d’être. Dernières phrases, le 23 février 1986, avant de choisir de disparaître, emporté par une forme rare de sclérose en plaque : « Dernière vision : il neige. Immaculée Assomption. »
Matthieu Galey © DR
New York 19 aout 2008
Quelle joie de trouver enfin un article ( ET une photo ) sur Matthieu Galey!!
J’avais decouvert son merveilleux journal a l’Alliance Francaise de NY, vers 1996 ,m’en etais delectee, et en avais meme recopie des passages dans une anthologie » maison », au moment de rendre le bouquin a la bibliotheque..Mais sur l’internet il n’y avait rien.Quelle surprise donc de trouver aujourd’hui tant d’information.
Il paraissait etre au centre de cette intelligentsia litteraire des annees 60, recoupait et documentait tant de grands ecrivains de son epoque, et fut a son tour inclus , comme par exemple dans le
» Journal Inutile » de Morand .
En cette periode de Proustomanie, sa passion pour Proust, qu’il decrit si bien comme « une religion » est on ne peut plus actuelle.
Merci de raviver son souvenir et sa contribution injustement delaisses.
Dr Rita Lempel
je me permets de mettre un petit commentaire, je ne connaissais pas Mathieu Galey mais comme France Culture à la bonne idée de diffuser à nouveau se documentaire samedi à 15 h je l’écouterais avec plaisir.
grâce à M.Pierre Bergé j’ai découvert Matthieu Galey .Quel bonheur ! je viens de « dévorer » les deux tomes de son journal , un régal !
Dommage , je n’arrive pas à trouver cette émission en son hommage dans les archives de france culture .Sera-t-elle rediffusée un jour ?