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Archive pour 17 février 2008

C’était Matthieu Galey

Dimanche 17 février 2008

« Modiano, prix Goncourt. Je l’aperçois, gazelle traquée dans un petit bureau par une meute de cameramen et de photographes, l’oeil fou, hagard, comme un assassin qu’on vient de surprendre sur le fait… Entre deux portes, je lui parle cinq minutes, avec la difficulté ordinaire. il me dit avoir passé toutes les heures d’angoisse de ces jours-ci dans l’annuaire 1939 que je lui ai offert l’autre semaine. Soudain, il est « là-bas » dans son monde obscur des années noires, très loin de la foule qui s’agite autour de lui. Il m’interroge sur Jane Sourza et Django Reinhardt, mes voisins d’avant-guerre, comme si je les avais connus. Merveilleuse folie. »
C’était Matthieu Galey, journaliste, critique littéraire et dramatique, membre du comité de lecture de la maison Grasset que France Culture nous a fait retrouver l’autre semaine dans un documentaire passionnant de François Dufay. Par la qualité des témoignages de Geneviève Galey, sa soeur, de son vieil ami Pierre Joxe, de son compagnon Herbert Lugert (fin et plein d’humour, lui aussi une lettre T., dans un journal), mais aussi de François Nourissier et de Jacques Brenner, l’émission nous plonge dans l’atmosphère littéraire des années 60-70, époque révolue où l’on brillait encore dans les salons, où les vieux écrivains se distrayaient de la présence, dans leurs hôtels particuliers, de jeunes gens intelligents.
Comme des fantômes, à cette heure bien vivants, on voit passer Druon et ses nègres, Chardonne, les deux Marcel, Jouhandeau et Schneider, Berger le censeur, l’éditeur ému Fasquelle et quelques autres. Des pissotières du boulevard Saint-Germain fréquentés assidument par la petite bande aux réceptions de Marie-Laure de Noailles, Matthieu Galey, dandy Proust, revit et son journal nous revient en plein coeur. Je cherche dans la bibliothèque les deux volumes épais à la couverture jaune et verte des Editions Grasset, l’ouvre de nouveau, il redevient aussitôt le compagnon de chevet qui n’aurait jamais du cesser d’être. Dernières phrases, le 23 février 1986, avant de choisir de disparaître, emporté par une forme rare de sclérose en plaque : « Dernière vision : il neige. Immaculée Assomption. »

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Matthieu Galey © DR

Théâtre nouveau à Gennevilliers

Dimanche 17 février 2008

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© Valérie Jouve

Dimanche, dans l’après-midi de soleil printanier, se convaincre de quitter Paris pour s’aventurer à Gennevilliers. Des années que je n’avais pas remis les pieds dans l’ancien théâtre de Bernard Sobel. Autre temps, autre utopie. Tout en rendant élégamment hommage au communisme fédérateur de son prédécesseur, Pascal Rambert, auteur et metteur en scène, a choisi de faire de ce théâtre « un lieu d’art, de scène et de rencontre » avec la complicité de nombreux artistes, réalisateurs et plasticiens tels Pascal Dusapin, Julie Nioche, Jean-Paul Civeyrac, Marcial Di Fonzo, Rachid Ouramdane, Olivier Assayas. « Etre directeur, c’est produire de la beauté, de la joie; programmer une année, c’est comme l’écrire. »
Le théâtre qui compte désormais une librairie et un restaurant, a été rénové par l’architecte Patrick Bouchain, Daniel Buren est intervenu pour une signalétique à rayures, Yann Kersalé pour la lumière. Une plaquette édité en partenariat avec « Beaux-Arts magazine » défend cette volonté de rapprocher le théâtre de la population locale. Les artistes travaillent ici en permanence avec les habitants de Gennevilliers. Vice-président de l’Office de Tourisme, restauratrice, basketteur, collégiens, lycéens et sportifs, ils sont ensemble photographiés par Valérie Jouve, arguments d’ »un théâtre palpitant » pour « faire œuvre ensemble ». La même fièvre – foi heureuse et bienvenue en la possibilité du théâtre à changer le monde – que celle de Stanislas Nordey, lorsqu’il prit la direction du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Espérons de tout cœur que le projet réussisse et que ce soit enfin faite la démonstration d’une véritable « démocratisation culturelle ». Ce dimanche, à l’heure où Joël Pommerat proposait de deux de ses pièces, c’était encore un public de bobos parisiens en goguette à Gennevilliers qui remplissait le théâtre…

Théâtre 2 Gennevilliers, Centre dramatique national de création contemporaine.