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Archive pour 13 janvier 2008

La bible d’Olivier Py

Dimanche 13 janvier 2008

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Olivier Py © DR

C’est une plaquette, iconoclaste en diable, et une merveille pour tous ceux, qui, à la faveur des spectacles d’Olivier Py (La servante, Illusions comiques, Les vainqueurs, Le Soulier de satin) sont entrés en son « poème ».
En mars 2007, Olivier Py, comédien, auteur, metteur en scène, romancier, chanteur (Miss Knife) prenait ses fonctions de directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe. Accueilli par ses nouveaux collaborateurs et artistes associés, il tint, accompagné du comédien Michel Fau, ce discours fondateur et manifeste, consigné désormais dans cette quinzaine de pages et accompagné de photographies de la rénovation du Théâtre, dont son prédécesseur Georges Lavaudant n’aura guère profité.
Dans « notre temps qui est patrimoine plus que culture, mode plus que création, commentaire plus que littérature, image plus que promesse, spéculation plus que désir vrai, sondage plus désirs », le théâtre, pour lui, est « une catastrophe vécue comme une joie, je veux dire qu’un jour on découvre que l’on n’est rien, et aussi vaste que l’océan et plein de vents contraires et de monstres lumineux. Alors on cherche celui qui a vécu cette expérience et qui maladroitement appelle cet état d’exil et d’éblouissement l’art »… Convoquant tour à tour sa crémière, un critique d’art, un homme politique en campagne et sa « maman », il dit sa foi en un théâtre qui « nous apprend à vivre dans l’absence de sens. Et parfois, dans cette joie du poème, il est comme un sens mais au-delà de tout sens ».
Entre la Mort. Déplorant la disparition de jeunes poètes tels Lagarce ou Gabily, Olivier Py pourrait reprendre cette phrase d’Hervé Guibert, belle illustration de son Théâtre de la Parole : « c’est quand j’écris que je suis le plus vivant. Les mots sont beaux, les mots sont justes, les mots sont victorieux ». Lui écrit : « Non cela ne peut pas mourrir » car « quand la mort mourra, le théâtre mourra »…

« Le discours de nouveau directeur de l’Odéon », Olivier Py, Actes Sud 2007.

Les ténèbres sauvages de Pippo Delbono

Dimanche 13 janvier 2008

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Questo buio feroce, Pippo Delbono © Gianluigi Di Napoli

« Je regarde la mort et la mort me regarde ». C’est le choc de cette rentrée théâtrale. Au Rond Point, l’italien Pippo Delbono présente pour la première fois en France « Questo buio feroce » (Cette obscurité féroce). Dans la bible du spectacle, le metteur en scène prévient : « Jamais je ne pourrais faire un spectacle qui ne soit pas contaminé par ma vie. Je n’en serais pas capable. » écrivait Antonin Artaud. Dans les pays occidentaux, la pensée de la mort a été « bannie ». La mort apparaît avec peur, comme une perte, une douleur, rarement comme une conscience lucide, profonde de la vie. »
Ce spectacle, violent, blessant et pourtant solaire, j’aurais pu dire pasolinien, tire argument de la lecture d’ »Histoire de ma mort » d’Harold Brodskey. Pippo Delbono, séropositif, s’est sans doute reconnu dans l’autobiographie du romancier américain (né en 1930 dans une famille juive du Middlewest, mort en janvier 1996) pour qui avoir le sida fut « un affront ».
Sur scène, l’engagement de Delbono, très influencé par Pina Bausch, et de sa compagnie est total. Aveuglé dès le début de la performance par la cruauté de la lumière sur un corps décharné, traumatisé par la déformation des visages emplis de douleur, on est à d’autres instants saisi de douceurs : celle du menuet d’une Cendrillon de pantomine, celle, plus irradiante encore, de la danse de mort du comédien-metteur en scène, nu, entouré de ses acteurs en costume et maquillage noir gothique. Simplicité des moyens, beauté des gestes, du décor et des costumes, au final, Pippo Delbono nous emmène, la chanson d’Aznavour en fond sonore, au pays de son soleil noir…

Histoire de ma mort (Ces ténèbres sauvages), Harold Brodkey, Grasset, 1998.
Compagnia Pippo Delbono
Théâtre du Rond-Point