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Archive pour décembre 2007

Madame demande la lune

Samedi 29 décembre 2007

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© Fidélité

Danièle Dubroux a une petite sœur. Elle s’appelle Valeria Bruni-Tedeschi et son film « Actrices » est borderline. Bavard comme un film français, négligeant parfois dans sa mise en scène, Actrices vaut par les tribulations tragi-comiques d’une idéale famille de théâtre et de cinéma, rassemblée autour d’elle. Au scénario, la complice Noémie Lvovsky, devant la caméra Laurent Grévill, Marie Rivière, Pascal Rongard, Eric Elmosnino, sans oublier les très proches Marina Borini (ma maman) et Louis Garrel (mon chéri).
Marcelline peut alors revenir à Nanterre, là où la carrière de Valéria Bruni commença. Elle y joue Tourgueniev sous la férule d’un Mathieu Amalric hilarant (je veux des corps, pas de la psychologie !). Plus qu’un film sur les confusions d’une actrice entre réalité et comédie, Actrices est un film émouvant, arrosé de vodka, sur le passage du temps (Marie, Jésus, le curé, faites-moi un enfant et je renoncerai à la gloire et aux honneurs !), les fantômes (belle Valeria Golino) et le deuil – celui annoncé d’emblée de la mort du frère Virginio, celle du père suggéré par l’apparition de Maurice Garrel (tiens une autre famille).
Avec la même férocité qu’elle avait à filmer Carla – Chiara Mastroianni à la guitare et le cercueil du père immensément riche qui ne rentre pas dans son jet privé dans « Il est plus facile pour un chameau », Valeria Bruni-Tedeschi ne cache rien ici des hésitations et des failles qui pourraient la noyer : « vous n’avez qu’à dire que je suis folle ! ». Pourtant, dans une scène finale, époustouflante, Marcelline prend la fuite, court de Nanterre au Pont-Neuf et c’est Valéria qui nous révèle qu’elle est insubmersible !

Actrices, un film de Valeria Bruni-Tedeschi (en salles). Durée : 1h47.
Borderline, un film de Danièle Dubroux, 1990

Dans tes cheveux

Samedi 29 décembre 2007

Cinéma national populaire de Lyon. Avec tous ces adjectifs, le CNP doit être un cinéma d’art et d’essai. Beau et tentant cinéma de quartier. Dès l’entrée, on s’emmêle les pinceaux dans la programmation – bel inventaire à la Prévert… On voulait voir « Control », raté à Paris, on verra finalement « Actrices ». 7,50 euros pour une salle riquiqui, un écran minuscule et un tombereau de publicités SFR, Parfums Gaultier à vous faire regretter votre UGC Ciné-Cité Bercy, les oreilles dans les craquements de pop-corn des teen-agers. Vient l’instant magique. Alors que le film commence, la salle entière, dans une danse digne d’un feu de Saint-Jean, se déplace. C’est qu’ils sont nombreux, les cheveux en bataille ou les chevelus tout court, à fréquenter cette salle et à pratiquement vous empêcher de voir le film !

Biennale 2007 : l’expérience de l’inutilité

Samedi 29 décembre 2007

Pluie d’automne / Sur les hommes / Comme Rhône à la Saône / Tu te mêles à moi. La chanson de Murat en tête en arrivant à la gare Lyon-Part Dieu. Me voici, sur le chemin de Sète, dans la cité des Canuts pour découvrir la 9e Biennale d’art contemporain.
Disons-le tout de suite : c’est une grande déception. Autant la huitième édition « L’expérience de la durée » était réjouissante, autant ce neuvième opus est vain. A l’essence du projet « L’histoire d’une décennie qui n’est pas encore nommée », initié par Thierry Raspail et mis en œuvre par Stéphanie Moisdon et Hans-Ulrich Obrist, un « truc » : inviter 49 commissaires et critiques d’art internationaux (joueurs dans un premier cercle) à répondre à cette question inutile : « Quel est, selon vous, l’artiste essentiel de cette décennie ? ».
Et c’est finalement ce truc qui ne marche pas du tout, juxtaposition malheureuse d’œuvres de 111 artistes sans prescription ni dimension critique, que nous découvrons à la Sucrière. Pourquoi ceux-là ? Comment cette œuvre-là ? restent des interrogations auxquelles rien, ni personne ne vient répondre, nous laissant naviguer du pire au meilleur. On se passionne alors pour Norma Jeane et son carré luxuriant de végétation, pour Jennifer Allora et Guillermo Calzadilla et leur bunker pétaradant de musiques militaires, pour les performances des cinq danseurs à l’extrême d’Annie Vigier et Franck Apertet. Le préféré Simon Starling est présent avec une œuvre « One ton, II » et un film « Particle projection » (photo), tandis que le retour en grâce de David Hamilton – avec un milliard de précautions de cartels puritains interdisant l’accès aux mineurs ! — nous indiffère. Découragé, on abandonne la partie, sans faire cas des 14 joueurs du second cercle – artistes, écrivains, chorégraphes, architectes dont Jérôme Bel et Michel Houellebecq – invités à « définir la décennie à partir d’une séquence d’exposition »…

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© Simon Starling, Particle Projection (Loop), 2007

www.biennale-de-lyon.org (jusqu’au 6 janvier 2008)
Pluie d’automne, Jean-Louis Murat in « Cheyenn Autumn », 1989.

Motif d’hiver bois de Boulogne

Vendredi 28 décembre 2007

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© Edward Steichen

Le parcours est remarquable et le Jeu de Paume le met en scène avec une élégante sobriété. Edward Steichen en 450 photographies ! C’est dire si la rétrospective est exceptionnelle. L’exposition commence à l’enfance de l’art, par des photographies à la délicatesse de pastel : paysage paisible, rivière, fleurs, sœur bien aimée sont les motifs de ses premières années, où, ailleurs, d’autres se battent pour faire entrer la photographie au nombre des beaux arts. Edward Steichen sera de ce combat avec son maître Alfred Stieglitz – trouvant son apothéose dans la revue « Camera work », la galerie Photo-Secession et le compagnonnage d’artistes français comme Rodin dont il fera des portraits d’une intensité incroyable.
La seconde partie de la carrière de Steichen, celle à la direction de la photographie des publications Condé Nast (Vogue, Vanity Fair) se révèle, dans l’exposition, nettement moins intéressante. Si les personnalités les plus illustres d’avant-guerre – de Colette à Churchill, en passant par Greta Garbo, Lilian Gish, Marlène Dietrich, Gary Cooper ou Noël Coward s’offrent à son objectif dans des poses très étudiées, inspirées Art déco, leur accumulation finit par lasser comme elle fera perdre à Steichen une part de son crédit auprès des grands photographes de l’époque.
La dernière salle du Jeu de Paume marque une dernière et stimulante rupture. Son engagement militaire l’amène à la fin de la guerre à prendre la direction du Département « photographie » du Museum of Modern Art (Moma) où il avait auparavant monté deux grandes expositions « patriotiques » : « Road to victory » en 1942, « Power in Pacific » en 1942. En 1955, il y présente « The family of man » – tour de force photographique, resté comme une référence dans le domaine de la scénographie. L’exposition réunit 273 photographes, mis au service d’une conception « humaniste » de la photographie. Inscrite au Registre de la mémoire du monde de l’UNESCO en 2004, elle a été reconstituée au Château de Clervaux (Luxembourg) où elle est visible de manière permanente. Edward Steichen à jamais, dans l’histoire mondiale de la photographie…

« Steichen, une épopée photographique », Jeu de Paume, site Concorde, Paris (jusqu’au 30 décembre).

Portraits d’Ellis Island

Jeudi 27 décembre 2007

Ellis Island, cette petite île à l’entrée du port de New York. A quelques encablures de la Statue de la Liberté. Qui n’a pas visité ces bâtiments désormais fantômes, ces salles immenses mais aujourd’hui vides, ne peut, à mon sens, comprendre l’Amérique. Il y résonne encore les voix des migrants, épuisés par d’innombrables semaines de voyage. Pour ceux qui arrivèrent jusque là, entre 1892 et 1954, c’était l’épreuve de la dernière étape : les examens médicaux et administratifs pour valider leur entrée sur le territoire américain. Dans la foulée, la naturalisation. American citizen !
La Cité nationale de l’histoire de l’immigration accueille jusqu’au 13 janvier 2008 une exposition des portraits du photographe Augustus Frederick Sherman. Une occasion unique de découvrir ces clichés qui, d’ordinaire, ne quittent pas le musée d’Ellis Island. Des portraits, pris entre 1905 à 1920, d’hommes, de femmes, d’enfants, de famille, venus de Russie, de Hollande et même de Guadeloupe, se frotter au rêve américain, porteurs d’une idéale espérance…

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© Courtesy the Statue of Liberty National Monument, the Ellis Island Immigration Museum, and the Aperture Foundation.

Cité nationale de l’histoire de l’immigration : www.histoire-immigration.fr
Récits d’Ellis Island. Histoires d’errance et d’espoir de Georges Perec (en collaboration avec Robert Bober). POL / INA
Golden Door, un film d’Emmanuele Crialese, 2007 (en DVD)

La belle Tour de Babel

Jeudi 27 décembre 2007

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© La chute, Denis Darzacq.

On pénètre, intrigué, dans l’ancien temple des colonies d’outre-mer, entièrement restauré par les architectes Patrick Bouchain et Loïc Julienne. Accueilli par ce fameux bas relief d’Alfred Janniot, illustrant par la pierre l’apport des colonies à la prospérité française. Le Palais de la Porte Dorée, rare vestige de l’Exposition coloniale Internationale de 1931, est devenu, par les voeux tiers-mondistes de Président Jacques Chirac, la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Inaugurée en catimini au lendemain de la création du Ministère de l’Identité nationale, cette Cité est pourtant une belle réussite et, par ces temps de rupture et d’inventaire, l’une des plus belles initiatives culturelles de Jacques Chirac, épaulé par son fidèle Jacques Toubon.
Faut-il y voir aussi la fin d’une époque – celle d’un gaullisme décolonisateur, puis d’un mitterrandisme assimilateur, capable de défendre l’idée d’une immigration nécessaire pour le développement national ? A parcourir, passionné, les vitrines de chacune de ces histoires en passe de devenir françaises, on mesure à quel point la conscience d’un universalisme français s’est éteint, laissant la place à un repli de plus en plus palpable de la majorité des Français sur eux-mêmes. Quel pauvre mythe que celui d’une seule immigration « choisie » défendue par l’enfant d’immigré hongrois Nicolas Sarkozy !
Au-delà des archives (objets, journaux, photographies de Jean-Philippe Charbonnier ou de Janine Niepce), la remarquable exposition permanente « Repères » vaut aussi par la part belle qu’elle offre aux artistes contemporains (Kader Attia, Denis Darzacq, Barthélémy Toguo, Hamid Debarrah, Malte Martin). Sortant de cette Cité ouverte comme la plus belle des tours de Babel, un vieil monsieur asiatique se réjouit : « ah, c’était vraiment bien ! « .

Cité nationale de l’histoire de l’immigration : www.histoire-immigration.fr

Alex Beaupain : pour la beauté du geste

Jeudi 27 décembre 2007

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© Naïve

Des affiches fraîchement scotchées en bas de chez moi… Je voudrais en récupérer une pas encore délavée par la pluie du soir. Je n’y parviens pas. Elles annoncent le concert prochain d’Alex Beaupain, auteur-compositeur des bandes originales des films de Christophe Honoré « Dans Paris » et « Les chansons d’amour ». Derrière ces deux musiques de films se cache aussi un album entêtant « Garçon d’honneur ». Pop d’époque, des textes d’une grande subtilité. Un de ces disques qu’on écoute en boucle des semaines durant et qu’on retrouve avec le même plaisir des mois plus tard. Rendez-vous donc le 5 avril au Café de la danse pour l’écouter !

Le 5 avril, à 20h00.
Café de la danse : 5, passage Louis-Philippe, Paris 11. Tél : 01 47 00 57 59

Alex Beaupain, Garçon d’honneur, Naïve 2005.

Sarah Lucas : Car crash

Jeudi 27 décembre 2007

Pour elle, qui hésiterait à faire le tour d’Europe, le tour du monde ? Les installations de Sarah Lucas, figure de proue des Young Brits, vous portent loin, hors la connaissance du monde commun, dans une confrontation inédite des sexes et une affirmation contrastée des genres. L’an passé, la Tate Liverpool lui consacrait déjà une rétrospective, s’y mêlaient matelas sordides, baignoires frigides, oeufs au plat en lieu et place de poitrine, bidets translucides, poulet cru en sorte d’origine du monde et encore d’autres autoportraits en artiste tourmenté. Un choc ? La révélation d’un autre féminisme, proche, sans doute, de celui d’une Virginie Despentes.
Au Palais de Tokyo, à Paris, Sarah Lucas, propose un « Car park » de sensation, assemblage de deux de ses oeuvres « Concrete void » et « Islington diamonds » (1997). Une Renault 21 blanche, étrangement immatriculée mais venue de Saint-Malo à lire les autocollants sur sa plage arrière, dont les vitres ont été brisées de mille éclats de verre, entourée de photographies grands formats noir et blanc de tristes parkings d’Islington, banlieue de Londres où vit Sarah Lucas. La poésie naît de ces petits diamants d’Islington, comme le fracas du monde de consommation courante, loin de toute possibilité de dépassement de soi. Un monde où l’art se serait échappé, rattrapé par la fureur de créer de Sarah Lucas. Fin de partie, cauchemar…

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© Car park, Sarah Lucas / Sadie Coles HQ / Photo : Marc Domage.

Relax, relax, relaxez-vous

Jeudi 27 décembre 2007

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Line Renaud © Site officiel / DR.

Elle a beau être ultrachiraquienne, pilier d’un réseau d’amies stupéfiantes qui court de Michèle Laroque, à Liane Foly en passant par Claude Chirac et Muriel Robin, à revoir le portrait très documenté de Philippe Kohly retraçant les grandes heures de sa carrière et de ses engagements, difficile de ne pas saluer le talent de Line Renaud… Les capitales du monde entier défilent, les escaliers de music-hall, les revues à Las Vegas, la cabale d’Edith Piaf, les amis américains (Cary Grant, Dean Martin, Gregory Peck, Elvis Presley), sa manière de s’effacer ensuite pour laisser la place aux yéyés, puis le cinéma (formidable dans « J’ai pas sommeil » de Claire Denis) et encore la télévision : quelle vie ! Line Renaud, rire fracassant, la larme prompte à l’oeil, demeure, à près de 80 ans, entreprenante, n’oubliant rien d’Armentières d’où elle vient, se souvenant de tous ses proches et amis (Maman, Lou Gasté et tant d’autres malades du sida) accompagnés jusqu’aux derniers instants…

Line Renaud : une histoire de France, Philippe Kohly (France, 2005).

Beau travail

Mercredi 26 décembre 2007

Un film touché par la grâce de son acteur principal. A croire que dès que Casey Affleck apparaît dans un film, son jeu imprègne irrémédiablement la pellicule, allant jusqu’à en modifier le scénario et le montage. C’était déjà mon sentiment en sortant de l’hypnotique « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », où le duo qu’il formait avec Brad Pitt, au mieux de sa forme, rendait le film hors norme.
A nouveau, Casey Affleck porte un film sur ses épaules. Le premier film de son frère, Ben, « Gone Baby gone », adapté de Dennis Lehane qui offrit avec son roman « Mystic River » l’argument d’un des meilleurs films de Clint Eastwood, magnifié par la présence de Sean Penn. Dommage que Ben Affleck ne soit pas Clint Eastwood, en quête de l’indicible frontière entre le Bien et le Mal. Il s’emmêle un rien dans cette histoire sombre de rapt d’enfant, mais le jeu inspiré de Casey Affleck, entouré par Morgan Freeman et Ed Harris, pousse le film au plus loin de ses tourments.

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© Miramax Films

« Gone Baby gone », Ben Affleck (sortie le 26 décembre 200è)
« L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », Andrew Dominik (encore en salles)

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